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qui a fondé ces compagnies, prendrait, un nouvel essor dans une direction nouvelle. Les exemples des autres pays démontrent que l’on ne porte pas atteinte au principe de la liberté en matière industrielle sans que la nation, entravée dans son initiative, n’ait à souffrir dans sa prospérité. La Russie, l’Autriche et la Belgique elle-même[1] avaient fait de la construction et de l’exploitation des chemins de fer une œuvre gouvernementale, et, tant que ce système a prévalu, : l’activité industrielle de ces contrées a été paralysée, l’esprit d’association ne les a pas vivifiées. Du jour au contraire où elles ont abandonné ce système, où des compagnies ont été substituées à l’état, on a vu, même en Belgique, où le gouvernement ne possède qu’une faible portion des voies ferrées, les affaires industrielles de toute nature s’organiser, se développer et se multiplier. Les causes financières qui ont amené la Russie et l’Autriche à vendre leurs chemins ont eu sans doute une influence considérable sur leur économie générale ; mais c’est l’intervention des intérêts privés dans l’organisation industrielle, commerciale et financière de ces deux empires, c’est cet acte d’émancipation qui leur permettra de développer tous les germes de prospérité qu’ils renferment. Et c’est au moment où nous pouvons constater les grands bienfaits produits par cette énergique puissance de l’association libre des capitaux en Russie, en Autriche, en Espagne, en Italie, en Portugal, en Suède et jusqu’en Égypte, que l’on voudrait en détruire en France la plus éclatante manifestation[2] !

Non, les chemins de fer doivent rester aux mains des compagnies, et nous n’avons plus maintenant qu’à exposer les idées dont l’application pourrait, à notre avis, rendre leur tâche plus facile, et leur assurer les moyens de l’accomplir.

M. Bartholony, président du conseil d’administration de la compagnie du chemin de fer d’Orléans, a, dans un écrit déjà cité, fait ressortir que les compagnies pourraient succomber sous le poids des emprunts qu’elles ont à contracter pendant dix ans. C’est là véritablement la question. Au lendemain de la paix de Villafranca, alors que tout le monde pouvait penser que la situation politique ne serait plus troublée, M. Bartholony a proposé que l’état, prêtant son crédit aux compagnies, empruntât pour elles : il espérait que le coût de leurs emprunts serait normalement abaissé par cette substitution. On a vu que le crédit de l’état n’échappe pourtant pas plus que celui des compagnies aux conséquences des crises financières, et que la moyenne de ses emprunts représente 6, 50 pour 100 d’inté

  1. Le revenu des chemins de fer exploités par l’état en Belgique n’atteint pas 4 pour 100 de l’argent qu’ils ont coûté.
  2. Il est inutile de citer l’Angleterre et l’Amérique.