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rêt. Depuis la publication de ce simple exposé de quelques idées financières et industrielles, les événemens politiques extérieurs ne semblent pas pouvoir permettre que le gouvernement dispose, en faveur des compagnies de chemins de fer, des ressources dont il peut avoir besoin pour lui-même, surtout lorsque la crise que subissent les recettes du trésor par suite de la réforme économique met en question l’équilibre même de notre budget. Néanmoins cette preuve publique de la sollicitude de M. Bartholony pour les intérêts qu’il administre est un indice bien significatif du péril qu’ils peuvent courir et de l’urgente nécessité où l’on se trouve de résoudre le problème qu’ils posent.

On ne peut pas en effet laisser les compagnies emprunter au hasard des événemens et peser constamment, par leurs besoins, sur l’ensemble de toutes les opérations financières et industrielles du pays. C’est donc à diminuer le taux et l’importance de leurs emprunts que doivent tendre tous les efforts que l’on aurait à faire pour mettre les chemins de fer dans une situation normale.

La première mesure à prendre pour rétablir l’équilibre dans leur existence serait de refondre les cahiers des charges afin de diminuer les frais de construction du nouveau réseau. À quoi bon, sur des lignes destinées à donner un revenu brut de 15,000 francs par kilomètre, conserver l’obligation de construire une double voie inutile[1] ? Pour un trajet plus que double, la ligne du Midi fonctionne provisoirement avec une seule voie ; dans les mêmes conditions, la grande compagnie des chemins de fer autrichiens produit 35,000 fr. par kilomètre. Avec les nombreux perfectionnemens apportés dans la construction des locomotives, on pourrait adopter des rampes plus fortes, qui seraient franchies sans augmentation notable des frais d’exploitation, des courbes à plus petit rayon, admettre enfin en principe des conditions de premier établissement moins dispendieuses, qui feraient de la construction du nouveau réseau, sans nuire le moins du monde à la sécurité de la circulation, une œuvre réellement industrielle et non plus une œuvre de luxe. Les renseignemens que nous avons pris à cet égard auprès des hommes les plus compétens nous permettent d’affirmer, sans crainte d’être démenti, qu’à l’aide de ces diverses modifications on pourrait réaliser une économie de 100,000 francs environ par kilomètre, soit plus de 800 millions sur la totalité du réseau à construire. L’emprunt de 2 milliards 500 millions à contracter par les compagnies se trouverait ainsi réduit à 1 milliard 700 millions, c’est-à-dire que les

  1. Le rapport de la loi de 1859 présenta au corps législatif estime le revenu des 8,578 kilomètres à 15,000 fr. bruts par kilomètre, ou à un revenu net de 7,000 fr.