méthode éclectique ; toutefois nous ferons une sorte de réserve à cet égard, car l’éclectisme joue un très grand rôle dans le travail de l’artiste, seulement cet éclectisme, au lieu d’être volontaire, libre et réfléchi, est involontaire, latent, obscur et instinctif. La grande erreur de ceux qui recommandent la méthode éclectique, c’est de croire que l’artiste peut choisir librement, de parti-pris, avec détermination ; c’est de croire que l’agent de cette combinaison est actif et volontaire tandis qu’il est au contraire aveugle et passif ; c’est d’attribuer à la volonté le rôle qui appartient à la mémoire. Ce travail de combinaison des détails observés par l’artiste s’obère non par juxtaposition, mais par fusion intérieure, par fermentation intellectuelle. Tous ces détails, une fois reçus par la mémoire, sont fondus au feu de l’imagination à l’insu même de l’artiste, et de cette fusion d’élémens contraires naissent des images combinées et des visions complexes, assez semblables au fameux métal de Corinthe. Ce mélange s’opère au moyen d’une force inhérente à l’artiste sans doute, mais aussi indépendante de sa volonté que la force de sécrétion ou la force de digestion. Un tel travail ne peut s’opérer qu’à la condition que l’homme ne s’en mêlera pas, qu’il laissera agir en lui la nature et qu’il attendra la volonté des dieux. L’artiste doit observer la nature avec une sorte d’insouciance désintéressée, sans intention préconçue ni arrière-pensée d’utiliser ses observations. La nature est une déesse riche et puissante, qui n’aime pas à recevoir des ordres et à travailler sur commande ; mais si vous êtes assez sage pour jouir avec une paresse religieuse de toutes les beautés que vous offre le monde, un jour l’imagination vous les représentera transformées de manière à vous étonner et à vous faire dire : Où donc mon esprit a-t-il vu ces choses ? Tous les détails observés par vous trouveront leur emploi à leur heure, et la mémoire vous les rendra fidèlement lorsque vous en aurez besoin.
Puisque le cheval idéal n’est pas un composé artificiel de perfections, il faut de toute nécessité qu’il soit un individu, et s’il est un individu, il doit se rattacher, comme tous les Individus, à une famille quelconque. De quelle race sort-il ? La plus superficielle attention suffit pour démontrer que ce cheval, dont la nature n’a jamais fourni le modèle, appartient cependant à la race des chevaux barbes ; mais pourquoi donc Phidias a-t-il choisi le cheval barbe ? Serait-ce qu’il le regardait comme le type suprême de la beauté chevaline ? Quoi ! c’est là le type de la beauté chevaline, ce petit cheval maigre, osseux, nerveux, dont les Romains se moquèrent la première fois qu’ils aperçurent les cavaliers numides, et auquel de tout temps les hommes, dupes des formes majestueuses et pompeuses, préférèrent les chevaux aux encolures massives et à la croupe charnue ?