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l’approchent le poison du désenchantement, elle les relève par des paroles d’espérances, et leur montre dans la souffrance le prix d’un bonheur futur. Elle rassure ceux qu’elle voit accablés et soupirans sous l’orage.

Laissez pleuvoir, ô cœurs solitaires et doux !
Sous l’orage qui passe, il renaît tant de choses !
Le soleil sans la pluie ouvrirait-il les roses?


Elle a des avis pleins de délicatesse féminine pour les âmes mystérieuses qu’elle voit languir d’un secret qu’elles ne disent pas, aussi bien que pour les âmes trop ardentes qui ne savent pas cacher leur bonheur ou dissimuler leur désespoir.

Si ta vie heureuse et charmée
Coule à l’ombre de quelques fleurs,
Ame orageuse, mais calmée
Dans ce rêve pur et sans pleurs,
Sur les biens que le ciel te donne.
Crois-moi,
Pour que le sort te les pardonne.
Tais-toi.
Mais si l’amour d’une main sûre
T’a frappée à ne plus guérir.
Si tu languis de ta blessure
Jusqu’à souhaiter d’en mourir,
Devant tous et devant toi-même.
Crois-moi,
Par un effort doux et suprême.
Tais-toi.


Ces dernières poésies prédisent les approches de la mort; elles ressemblent à des adieux chuchotes d’une voix tendre. Le poète se réconcilie avec tous ceux qui furent la cause innocente ou coupable de ses peines. Elle leur pardonne afin d’être elle-même pardonnée, et, comme elle le dit, afin de désarmer Dieu :

Allez en paix, mon cher tourment,
Vous m’avez assez alarmée.
Assez émue, assez charmée,...
Allez en paix, mon cher tourment.
Hélas! mon invisible aimant!


À ces heures suprêmes du soir, lorsque les ombres descendent et voilent à ses yeux ces lumières trop aimées vers lesquelles elle était allée brûler ses ailes, comme le papillon à la flamme, ce n’est plus le vieil amour qu’elle implore; elle sent enfin qu’elle a oublié peut-être d’autres divinités qui l’auraient protégée contre le dieu jaloux.

Fierté, pardonne-moi!
Fierté, je t’ai trahie...