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Une fois dans ma vie,
Fierté, j’ai mieux aimé mon pauvre cœur que toi.
Tue, ou pardonne-moi.

Elle se rappelle les chants de la nourrice et de la fileuse qu’elle entendit, lorsqu’elle était enfant, et, se souvenant qu’ils furent pour elle une semence de vertu et de piété, elle les transmet comme un legs précieux aux enfans des générations nouvelles, et les transforme en prières. Ici nous rencontrons la note dominante de ce dernier volume, qui est une note mystique. Le poète, même en parlant des choses d’ici-bas et des passions humaines, tient l’œil constamment fixé sur le ciel et cherche des consolations là où en cherchent ceux qui n’attendent plus rien de la terre. Mme Valmore est religieuse et chrétienne, et le fut toujours. Même au milieu de ses plus grands troubles, elle ne cessa de tourner ses regards vers la patrie céleste comme vers le seul port de refuge. Elle avait bu dès son enfance à ces sources d’eau vive que le Christ promit à la Samaritaine : aussi son âme ne fut-elle jamais altérée, même au milieu de ses plus grandes ardeurs, et ne connut-elle jamais cette sécheresse à laquelle arrivent si facilement les âmes qui n’ont pas été abreuvées de religion dans leur enfance, lorsque les rosées que la nature a répandues sur l’adolescence et la jeunesse ont été taries par les premiers feux de la vie. Elle tenait des deux religions qui se divisent notre Occident; elle avait peut-être quelques gouttes de sang huguenot dans les veines, et, quoique renié, cet héritage n’avait pas été perdu, comme le prouvent la vaillance de son cœur et ce triste courage à se nourrir de soi-même qui lui est commun avec les âmes réformées. Toutefois ses parens étaient catholiques fervens, et l’on sait qu’en pleine révolution française et frappés dans leurs moyens d’existence, ils avaient mieux aimé refuser l’opulence que leur offraient leurs proches, établis en Hollande, que d’abjurer leur religion. Je ne sais si Mme Desbordes-Valmore fut catholique très orthodoxe, et si elle connut cette obéissance stricte aux puissances de l’église visible que recommande le catholicisme; mais elle en eut toutes les vertus qui s’accordent si bien avec un cœur féminin et une vie obscure, la soumission volontaire, l’humilité, la piété et la tendresse. Elle resta fidèle à la Vierge et ne cessa de l’implorer dans tous ses jours d’affliction, ce qui veut dire à peu près pendant toute sa vie, tant furent rares ses jours d’oubli et de bonheur. Son christianisme est tout Intime et tout instinctif: Mme Valmore est de la religion des humbles, des faibles et des petits, de la religion du publicain, du bon Samaritain et de ce coupable repentant qui, avant d’expirer sur la croix, dit au Christ : Intercédez pour moi lorsque vous serez auprès de votre père. Elle prie à la manière de ces âmes