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mécaniques, et dans ce nombre 10 appartiennent à M. David Bacot. Enfin on sait que Lyon et tout le midi se sont jusqu’ici assez bien défendus contre l’invasion des machines, et que les étoffes de soie sont presque exclusivement fabriquées à la main. Partout où la vapeur et les forces hydrauliques l’ont laissé subsister, le tissage à bras est une source de bien-être pour les populations. Il a le double avantage d’être exercé hors des villes et dans le domicile même de l’ouvrier. En général, les paysans sont à leur aise dans le voisinage des grands centres manufacturiers. Quand l’industrie subit un chômage, ils retournent aux champs; si le labourage donne un temps de repos, ils l’utilisent avec le métier. Tout le monde dans la famille trouve à s’occuper; le père est tisserand, les enfans dévident, la mère prépare l’ouvrage. Quelquefois, quand le battant n’est pas trop lourd, elle s’assied elle-même sur le banc, fait mouvoir les leviers, lance la navette. Sans doute le tissage à la main est plus pénible et moins lucratif que le tissage mécanique : beaucoup de tisserands à bras regardent comme un avancement dans leur profession d’être appelés à la manufacture, et les femmes, qui conduisent si facilement un métier mécanique et tissent la soie à la main sans trop de fatigue, ne peuvent qu’à grand’peine manœuvrer un métier à tisser la laine ou le coton; mais aussi il y a pour elles une grande différence entre un mince pécule gagné dans leur propre maison et un gros salaire conquis en quelque sorte aux dépens de leur cœur, et qui leur impose l’obligation de déserter leur ménage et d’abandonner leurs enfans. On aura beau embellir et adoucir les manufactures, elles ne seront jamais pour les femmes qu’un lieu d’exil.

Dans l’ouest, où l’on cultive le fin et le chanvre, on les prépare, on les file, on les tisse uniquement à la main. La toile de Bretagne a été longtemps en faveur sur le marché; aujourd’hui encore on lui attribue plus de solidité qu’aux toiles de Flandre. La Bretagne est une obstinée; elle file son fin au rouet et à la quenouille, elle le tisse à la main, elle le blanchit à la rosée. Le coton et les manufactures lui font une concurrence désastreuse; mais elle aime mieux se ruiner que se modifier. Une belle quenouille, avec son assortiment de fins fuseaux et d’élégans pesons, est encore le cadeau qu’un paysan breton fait à sa fiancée. Ce ne sera bientôt plus pour les ménages aisés qu’un emblème, un souvenir. Le métier de fileuse, quand on n’a pas d’autre ressource, ne donne pas même un morceau de pain, et les mendiantes ont toujours la quenouille au côté dans les paroisses bretonnes.

La quenouille nous conduit à l’aiguille à tricoter, qui fait encore partie du menu bagage d’une femme, et qui ne tardera pas à disparaître devant l’invasion du tricot à la mécanique. Les métiers, dans la