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fabrique de la bonneterie, sont de deux sortes : l’ancien métier, le métier à diminution, qui fait directement et sans couture un bas, un bonnet, une camisole, et le métier circulaire, récemment introduit, qui produit avec une rapidité prodigieuse des pièces de tricot continu dans lesquelles on taille un vêtement comme dans de l’étoffe. Une femme travaillant au métier circulaire gagne rarement plus de 1 fr. 50 c. dans sa journée ; la couture du tricot rapporte tout au plus 5 centimes par heure. Chaque centre industriel a sa spécialité ; la bonneterie de soie et de fil d’Ecosse se fait dans le Gard, celle de coton à Troyes et au Vigan, celle de laine dans cette partie de la Somme appelée le Santerre, la bonneterie drapée vient d’Orléans et des environs d’Oleron. Paris embrasse languissamment tous les genres. Il a eu longtemps le monopole de la bonneterie, il est même entré le premier dans la voie de la bonneterie mécanique ; mais la province n’a pas tardé à lui faire une concurrence redoutable par l’abaissement du prix de main-d’œuvre. Depuis l’invention du métier circulaire, la bonneterie parisienne subsiste encore, en souvenir de sa prospérité passée ; mais elle ne vit plus. On trouve çà et là quelque métier à faire des bas relégué dans une loge de concierge ; c’est un héritage de famille, les enfans continuent l’industrie de leur père avec les outils de leur père. Cette fidélité serait respectable, si elle ne tenait le plus souvent à une sorte de paresse d’esprit. Le métier à tricoter, si bienfaisant pour les femmes de la campagne, ne peut faire vivre une ouvrière parisienne.

Il en est de même d’une industrie plus complètement, plus essentiellement féminine, celle des dentelles, dont les produits sont hors de prix, et dont la main d’œuvre est très faiblement rétribuée. A Paris, où la vie est si chère, on n’a jamais fait de dentelle que par exception, car les dentelles d’or et d’argent de fabrication parisienne doivent être rangées plutôt dans la passementerie. Pour le même motif, Valenciennes a presque complètement cessé de produire la dentelle qui porte son nom. C’est un travail difficile, qui demande un très long apprentissage et qui absorbe complètement l’ouvrière ; il est si mal rétribué que la population industrieuse du nord de la France trouve partout à s’occuper plus avantageusement. Comme il faut plusieurs mois, quelquefois même une année, pour faire un coupon de trois mètres, et que les dentellières ne peuvent attendre leur salaire pendant si longtemps, il est d’usage de les payer à mesure qu’elles ont achevé sur leur métier une bande (environ 25 centimètres); il en résulte une charge et un danger pour le patron, qui a fourni le fil et qui paie en outre les salaires à l’avance. Aussi n’y a-t-il plus en ce moment à Valenciennes que trois ouvrières. L’une, qui fait la vraie valenciennes, gagne des journées de 1 franc 30 cen-