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Les commissaires de l’enquête donnaient une moyenne des salaires pour chaque industrie, et voici comment on opérait pour la déterminer : on faisait une masse de tous les salaires payés en un an par les chefs de l’industrie; puis on divisait la masse par le nombre des journées de travail. Le chiffre ainsi obtenu représente le salaire quotidien du plus grand nombre des ouvrières; c’est donc une indication très précieuse[1]. La moyenne générale du salaire des ouvrières parisiennes en 1847 était 1 fr. 63 c.[2]. Pour les ouvrières à l’aiguille travaillant chez elles, la moyenne était de 1 fr. 42 c; elle était de 2 fr. pour les ouvrières travaillant en magasin.

On a beaucoup discuté l’enquête de 1851; elle n’en reste pas moins une statistique très complète et très judicieuse. Nous croyons volontiers que les commissaires s’en étaient rapportés trop exclusivement aux chefs d’industrie, intéressés à exagérer le chiffre de leurs affaires et le taux des salaires. Par conséquent les moyennes indiquées par eux sont plutôt au-dessus qu’au-dessous de la vérité. Nous les rappelons néanmoins, comme un document intéressant pour l’histoire d’un passé qui est encore si près de nous. Ceux qui prendront la peine de comparer les chiffres de l’enquête à ceux que nous avons recueillis, et dont nous allons indiquer les plus importans, reconnaîtront que les salaires ont subi une double modification en sens inverse. Le salaire des ouvrières en magasin s’est relevé. Au contraire les femmes qui travaillent à domicile voient leurs profits diminuer tous les jours.

Voici comment cette différence s’explique. Le plus grand nombre des ouvrières à domicile travaillent pour la confection, et le plus grand nombre des ouvrières en magasin travaillent sur mesure. Les premières ont en général moins de talent que les secondes. Une bonne ouvrière parisienne est jusqu’à un certain point une artiste; il est naturel qu’elle soit recherchée et bien payée. Elle refuse de

  1. La moyenne la plus élevée est celle des repriseuses, 2 fr. 05 c. Viennent ensuite les modistes, 1 fr. 98 c; les brodeuses, 1 fr, 71 c; les couturières qui confectionnent les vêtemens de femmes, 1 fr. 70 c; les ouvrières des costumiers, 1 fr. 68 c; celles des fabricans de parapluies, 1 fr. 60 c. La moyenne n’est que de 1 fr. 22 c. pour les ouvrières qui travaillent aux équipemens militaires; elle est très faible dans la ganterie, 1 fr. 34 c. pour la ganterie de peau, 1 fr. 06 c. pour la ganterie de tissus.
  2. 950 femmes touchaient un salaire inférieur à 60 centimes, 100,050 recevaient de 60 centimes à 3 francs, et 626 avaient plus de 3 francs.