la charge de l’ouvrière : reste donc 3 fr. 60 cent. pour une douzaine de paires de gants, ou 30 cent. pour une paire.
Si l’on demande maintenant combien une bonne ouvrière peut faire de paires de gants en un jour, elle en peut faire quatre en travaillant douze heures sans interruption; presque toutes les ouvrières n’en font que deux et demi. Cette différence s’explique par la nécessité de vaquer aux soins du ménage. Le travail de la ganterie demande une propreté extrême; non-seulement les gants tachés sont laissés pour compte à l’ouvrière, mais elle est obligée de payer le prix de la peau. Quatre paires par jour représenteraient un salaire de 1 franc 20 centimes, sur lequel il faudrait encore faire une légère déduction pour l’éclairage. Deux paires et demie ne représentent que 75 centimes par jour. Dans l’Aveyron et la Haute-Marne, même dans l’Isère, le prix de la douzaine descend quelquefois à 3 fr. et à 2 fr. 75 cent. Qu’est-ce qu’un pareil salaire?
Les ouvrières piqueuses gagnent un peu plus. Le fabricant paie 9 francs pour une douzaine, soit 8 fr. 50 cent. à cause de la fourniture de la soie. Il faut six ou sept heures pour faire une paire de gants piqués; si l’ouvrière en fait une paire et demie, elle gagne pour la journée 82 cent. 1/2, soit 6 fr. 30 cent. par semaine, 303 fr. par an. Ce salaire diminue un peu quand l’ouvrage ne s’obtient que par l’intermédiaire d’une entrepreneuse. Pour gagner 216 francs par an comme couseuse, ou 303 francs comme piqueuse, il faut qu’une femme travaille régulièrement, qu’elle n’ait ni enfans ni longs travaux de ménage, qu’elle ne soit pas malade, et que l’ouvrage ne lui manque jamais. A Paris, l’ouvrage se prend chez le fabricant lui-même, et les ouvrières travaillent mieux. On paie la douzaine à une bonne couseuse 6 francs 50 cent., soit 6 francs, déduction faite de la soie. Les meilleures piqueuses obtiennent des prix de 14 et 15 francs par douzaine. Il est vrai que les longues courses pour aller chercher l’ouvrage, pour le rapporter, consomment une partie du bénéfice. Dans toutes les branches de l’industrie, les. ouvrières qui travaillent directement pour la clientèle perdent une partie de leur temps, une partie du pain nécessaire à leur famille, dans les antichambres de leurs clientes.
Le commerce de la broderie, qui occupe un personnel très nombreux, gagnerait beaucoup à être mieux dirigé. Nous possédons les meilleurs dessins, mais on ne songe pas même à les déposer : la propriété n’en est pas garantie, et la contrefaçon s’empare immédiatement de nos plus beaux modèles. Nancy tire ses dessins de Paris, et donne la mousseline toute tracée aux entrepreneurs de broderie proprement dite et aux entrepreneurs de trous. Ceux-ci font travailler à la campagne et vivent ordinairement dans les villages.