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titude des gouvernemens et des partis en présence des questions qui préoccupent l’Allemagne. De cet examen on verra, je l’espère, se dégager par degrés les élémens avec lesquels peut s’opérer la reconstitution future de l’Allemagne, les principes auxquels peuvent servir d’appui tant de forces encore indécises et mal disciplinées, mais capables de se pondérer en vue d’une action salutaire et libérale en Europe.

L’unité allemande est la préoccupation constante d’une foule d’esprits au-delà du Rhin; aussi n’est-il pas étonnant qu’on fouille les archives de l’histoire pour en chercher les germes jusque dans le passé le plus lointain. Cette tentative vient récemment encore d’être renouvelée dans un ouvrage dû à M. Max Wirth, déjà connu par de bons travaux sur l’économie politique. Dans ce dernier livre, intitulé l’Unité nationale allemande, l’histoire si confuse de l’Allemagne est interprétée tout entière au point de vue des préoccupations de notre temps, et si ce système conduit l’auteur à quelques erreurs historiques, son œuvre y gagne une clarté et une vivacité bien rares dans ce qui nous arrive de l’autre côté du Rhin. Il est un point qui ressort nettement des recherches de M. Wirth, c’est que l’unité allemande avait trouvé autrefois son expression dans l’institution du saint-empire sous la forme qui convenait le mieux à la société du moyen âge. Dans le cadre artificiel des cercles, la vie féodale trouva son développement le plus complet : les propriétés seigneuriales se morcelèrent librement, les rapports de suzeraineté et de vassalité se multiplièrent à l’infini, les institutions provinciales et communales se fondèrent, les villes unies par des intérêts communs se liguèrent entre elles. Au moment où éclata la révolution française, la division en cercles subsistait encore malgré l’heureuse tentative de la maison de Brandebourg, qui avait brisé les liens de l’organisation féodale et s’était créé par les armes un royaume indépendant. La dignité impériale avait conservé un immense prestige sur l’esprit des populations allemandes, bien qu’il ne fût plus fondé que sur la tradition historique et la puissance des souvenirs.

Le saint-empire disparut au milieu des désastres de la guerre et de l’invasion : François II dut renoncer solennellement à son titre d’empereur d’Allemagne et de roi des Romains, et délier les électeurs, princes ou états de tous leurs devoirs. L’œuvre de Charlemagne tombait devant l’épée de Napoléon; mais elle avait duré mille ans, tandis que les combinaisons factices que Napoléon imposa à l’Allemagne furent emportées par le premier choc des événemens.

Le sentiment de l’unité nationale, sous la forme qu’il revêt aujourd’hui, prit naissance dans les grandes guerres qui mirent aux prises la nation germanique et la nation française au commence-