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comme son père, » et l’on se met à penser tendrement à l’archiduc Charles ! » L’expérience autrichienne réussira-t-elle ? Nous ne savons ; mais ce qui prouve que les réformes sont prises au sérieux et par le gouvernement et par des hommes notoirement opposés à l’ancien système, c’est le choix que le gouvernement Impérial a fait, pour les fonctions les plus importantes, de plusieurs de ces hommes qui ont accepté. Ainsi M. de Szechen est entré dans le ministère, et M. le baron de Vay est chancelier de Hongrie. Ce dernier nom est significatif. M. de Vay avait été ministre de la révolution hongroise ; il était ami du malheureux comte Louis Batthyani ; il a été émigré ; il est protestant et Magyar ardent. Un témoignage précieux en faveur de l’efficacité de la nouvelle constitution si elle est sincèrement pratiquée, c’est la lettre écrite à un journal de Paris par M. de Szemere. Ancien ministre, lui aussi, de la révolution, un des membres de l’émigration hongroise les plus remarquables non-seulement par la constance de son patriotisme et l’autorité de son caractère, mais encore par son esprit pratique et modéré, M. de Szemere a retrouvé dans le diplôme du 20 octobre la plupart des concessions qu’il avait demandées pour son pays dans un écrit récent. Au surplus, quand on ne devrait y voir que le point de départ d’une vie politique et constitutionnelle pour les populations autrichiennes, on aurait le droit de bien augurer pour l’avenir des conséquences de cet acte. L’Autriche est peut-être après l’Angleterre le pays de l’Europe qui contient le plus d’élémens propres au développement des institutions libérales. L’Autriche possède une grande aristocratie et ne connaît guère ce fléau de la petite noblesse et des hobereaux pullulans qui entrave le progrès politique de certains états d’Allemagne. Le mal que font les hobereaux, nous en savons quelque chose en France ; c’est eux, c’est leur étroit égoïsme, c’est leur vanité ridicule, c’est leur docilité au pouvoir absolu qui créent ces haines entre les classes d’où sortent les révolutions sociales, et qui persistent si longtemps après qu’elles ne paraissent plus avoir de cause. Les services qu’une grande aristocratie peut rendre à l’établissement de la liberté, nous serons réduits à les reconnaître avec regret tant que la France n’aura pu arriver au dernier terme de sa grande révolution, et qu’elle n’aura pas obtenu l’entière possession de la liberté politique. L’aristocratie autrichienne a des aspirations libérales plus prononcées qu’on ne le croit dans le reste de l’Europe ; elle ne ressent ni n’excite de haines de classes. Les lois d’élection ouvrent libéralement l’arène politique au patriotisme et au talent, qui ne s’appuient point sur les influences féodales. À côté des plus puissans magnats, il y aura place pour des bourgeois tels que M. Maager, ce négociant transylvain dont l’éloquence vigoureuse et pratique a produit un efiTet si considérable dans le conseil de l’empire dont les délibérations ont enfanté la réforme actuelle.

C’est bien plus dans cette nouvelle vie politique intérieure de l’Autriche que dans le résultat négatif de l’entrevue de Varsovie que nous voyons une garantie de la politique pacifique du cabinet de Vienne. La stérilité du congrès de Varsovie a étonné ceux qui se figuraient que l’empereur d’Autriche