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allait demander à l’empereur de Russie et au prince-régent de Prusse l’autorisation d’adresser un ultimatum à la cour de Turin, et qui ne doutaient point qu’une pareille demande ne fût accueillie ! Les réunions de souverains ne sont point des manifestations qui nous plaisent. Nous n’y voulons cependant rien voir au-delà de la signification naturelle que ces actes portent en eux-mêmes. L’entrevue de Varsovie a fait cesser aux yeux du monde le refroidissement qui existait entre les deux empereurs ; elle a mis un terme à l’isolement moral de l’Autriche : voilà tout, et nous n’avons jamais pensé qu’il pût se produire autre chose à Varsovie. De guerre immédiate, personne n’en voulait, pas plus la Russie, qui censure vivement la politique du Piémont, que la Prusse, qui blâme sans doute les moyens employés par la Sardaigne, mais qui, en songeant à sa vocation allemande et en prêtant l’oreille aux conseils de l’Angleterre, ne voit peut-être pas d’aussi mauvais œil qu’on pourrait le croire la constitution unitaire de l’Italie. De traité basé sur des éventualités futures, il ne pouvait en être sérieusement question ; à quoi bon prendre des engagemens précis au milieu de circonstances changeantes, à propos d’événemens essentiellement mobiles ? Tout au plus la Russie pouvait-elle demander à ses hôtes de l’aider à saisir ce fantôme d’un congrès qu’elle poursuit toujours et qui la fuit sans cesse, mais que l’Angleterre et l’Autriche ont l’air de traiter comme un rêve. Ce n’est pas Varsovie, c’est la réforme intérieure qui attache l’Autriche à la paix.

Le Piémont, qui, plus que l’Autriche, doit redouter la guerre, n’est pas moins sincère, suivant nous, dans les assurances pacifiques qu’il donne. Il est en tout cas très intéressé à prendre au sérieux et les résolutions pacifiques et les tentatives de réforme intérieure de la cour de Vienne. Il nous semble entendre M. de Cavour se conformant, avec sa souplesse avisée, à cette situation nouvelle et tenant à peu près ce langage : « Nul doute que l’on ait calomnié l’Autriche en lui prêtant, ces jours passés, l’intention d’attaquer la Sardaigne. Nous attaquer maintenant ! mais ce serait avouer que les concessions faites à la Hongrie ne sont qu’une machine de guerre contre l’Italie et un piège pour les Hongrois. Ce serait justifier les défiances que de tardives concessions peuvent inspirer à la Hongrie, et celle-ci refuserait certainement, en se souvenant de sa déception de 1848, de concourir une seconde fois à l’asservissement de l’Italie. — Pourquoi d’ailleurs supposer que le gouvernement sarde ait lieu de se croire menacé par les concessions octroyées à ses sujets par sa majesté apostolique ? Ces concessions au contraire simplifieront la question de la Vénétie. Quand le moment sera venu de la résoudre, nous n’aurons plus affaire aux exigences intraitables de la fierté dynastique ; nous compterons avec les intérêts positifs et vrais des populations qui composent l’empire autrichien. La diète hongroise s’apercevra probablement que l’intérêt de la Hongrie n’exige pas que l’Autriche garde la Vénétie, et que plutôt la question des finances autrichiennes ne peut être résolue que par la cession de cette province. La même conviction