ne tardera point à se faire jour dans les diètes de la Bohème, de la Styrie, de l’archiduché d’Autriche : ce sont les populations autrichiennes elles-mêmes qui feront entendre à l’empereur la voix de la nécessité, et le décideront à se débarrasser de la Vénétie. Pour notre compte, nous n’avons pas besoin de violenter cette conversion, nous la laisseront s’accomplir d’elle-même. L’intérêt même de l’expérience tentée par l’Autriche nous rendra la patience facile. De deux choses l’une, ou l’empereur François-Joseph, entrant franchement dans la voie des concessions, les étendra à la Vénétie, ou il exclura cette province du bénéfice des réformes libérales. Si Venise accepte le régime constitutionnel autrichien, tout sera dit pour nous ; jamais le roi Victor-Emmanuel n’osera braver l’opinion générale de l’Europe au point de troubler l’accord d’un peuple avec son souverain. Mais si Vienne n’ose pas appliquer le nouveau régime à Venise, tout sera dit aussi pour l’Autriche : la nécessité de réunir Venise au reste de l’Italie sera prouvée. La démonstration sera complète pour l’Europe ; elle le sera aussi pour les peuples de l’Autriche ; les populations autrichiennes sentiront que la présence d’un élément si réfractaire dans le sein de l’état est un obstacle à sa prospérité, à sa sécurité, à ses progrès, et se convaincront que la santé même de l’Autriche prescrit ce sacrifice salutaire. »
Que M. de Cavour nous pardonne la liberté que nous avons prise de lui prêter cette modération persiflante. Cette façon d’argumenter ne serait pas de bon goût et aurait peu d’efficacité,’si elle s’adressait à l’Autriche ; mais M. de Cavour peut l’employer avec profit, ce nous semble, pour calmer au besoin l’imprudente impatience du parti de l’action en Italie. Nous croyons que M. de Cavour est sincèrement résolu, pour sa part, à éloigner, le plus qu’il lui sera possible, toute collision nouvelle avec l’Autriche, Les bonnes raisons ne lui manquent pas. Nous ne parlons pas du danger que courrait le Piémont dans une lutte qui s’engagerait dans les circonstances présentes, mais de la besogne qui s’impose à M. de Cavour en Italie même. Le roi de Naples résiste encore avec une persévérance qui, si elle est impuissante à lui ramener la fortune, répand un intérêt véritable sur la fin de son règne et fera honneur à son nom. L’opiniâtreté de cette résistance, soutenue par un jeune prince, avec les débris de troupes que la trahison et la vénalité n’ont pu entamer, contre le souverain dont il a en vain demandé l’amitié, et qui vient le chasser sans lui avoir déclaré la guerre, laissera des souvenirs qui embarrasseront plus tard son successeur. Ce qui s’est passé depuis trois mois prouve que les Deux-Siciles contiennent des élémens qui rendent un bon gouvernement très difficile. Ce sera un rude travail pour M. de Cavour d’assimiler ce royaume au reste de l’Italie. Nous ne parlerons pas de la question de Rome, dont il laisse gaiement le souci à la France ; mais si le Piémont veut à la fois tirer parti et se montrer digne des agrandissement qu’il vient d’obtenir, il aura des travaux immenses d’organisation intérieure à faire dans toutes les branches de l’administration avant de pouvoir songer à de nouvelles conquêtes. M. de Cavour n’a pas seulement de bonnes et