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d’une fois tentée de lui épargner ces éloges calculés en l’avertissant que son beau-frère, engagé ailleurs, ne pensait certainement pas à m’épouser; mais une arrière-pensée me retint toujours : c’était la crainte de voir jeter l’interdit sur ces bonnes causeries amicales auxquelles je trouvais un charme croissant.

La saison de Londres se passa ainsi sans autre incident qu’une soirée où nous nous trouvâmes à Covent-Garden en même temps que la famille Glynne. Hugh Wyndham, qui était notre cavalier à ma mère et à moi, nous quitta pour aller rendre visite à la belle de ses pensées, non sans m’avoir prévenue de telle sorte que je pusse lui donner mon avis sur cette attrayante figure dont il m’avait tant vanté l’irrésistible perfection. Je vis en effet une fort jolie blonde, aux traits enfantins, mais dont la physionomie, à mon gré, manquait de caractère et d’élévation. Je crus devoir néanmoins féliciter le jeune amoureux. De même qu’il se faisait une joie de me la montrer, il s’empressa de me nommer à elle, et bientôt il m’apporta au nom de sa bien-aimée des éloges qui produisirent sur moi une impression pénible : pourquoi? je ne le dirai point, on le devine peut-être; j’étais encore loin de m’en rendre bien compte.

Quand, la saison terminée, nous partîmes pour les eaux de Malvern, cette tristesse obstinée, cet accablement inerte m’y accompagnèrent. Hugh Wyndham, invité avec instance par ma mère, vint nous y rejoindre, mais seulement pour une quinzaine. A Bampton-Chase, sa visite eût été plus longue à cause du voisinage de Hincksley. Autant aurait valu qu’il se fût abstenu de ce voyage, car ma mère, changeant tout à coup de tactique, se mit à nous surveiller de fort près; elle me poursuivait de questions, d’allusions embarrassantes, et provoqua ainsi chez moi en plus d’une occasion des accès d’irritabilité qui étonnaient Hugh Wyndham. Il me les reprochait fort sérieusement, ne sachant à quoi les attribuer. Cette fois, à ma grande surprise, son départ fut pour moi comme un soulagement. L’ennui pur et simple valait mieux que l’impatience intérieure où ma mère et lui me jetaient, l’une par ses perpétuelles inquisitions, l’autre en me consultant sans cesse sur ce qu’il avait à faire pour hâter le mariage auquel tendaient tous ses vœux. Chose étrange, ce fut un de mes conseils qui effectivement précipita la crise et amena le dénoûment souhaité. J’avais persuadé à Hugh, et non sans peine, de confier sa situation à sa mère, déjà très âgée, mais d’une bonté toujours ingénieuse et toujours active. Il se laissa convaincre, et nous n’étions pas revenus à Londres depuis plus de cinq ou six semaines quand un billet de lui m’annonça qu’il allait, du consentement de sa mère, risquer une démarche décisive. En passant à Londres, il viendrait communiquer ce nouveau projet à son frère et à sa belle-sœur, qui