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ducal par le chancelier Chauvin, depuis longtemps en excellens termes avec Louis XI, et contre lequel le grand-trésorier, son rival, articulait des accusations de vénalité. Le parti hostile à la France n’avait pour organe, auprès du duc, que Pierre Landais, à qui ce prince avait confié, avec la direction de ses finances le premier poste de son gouvernement. Jusqu’à l’époque où nous sommes parvenus, l’action de ce ministre avait été plus administrative que politique, car son ingérence dans les relations extérieures du duché ne se révélait guère que par des conseils, et si parfois François II embrassait les vues patriotiques de Landais avec une ardeur qu’expliquait la haine invétérée du vassal contre son suzerain, il ne tardait pas à les déserter pour suivre, sur les avis concertés de sa maîtresse et de son favori L’Escun, le courant d’une politique moins chanceuse et plus tranquille. Landais représentait donc seul à la cour et dans le cabinet breton le parti qui poussait à une entente étroite avec la Bourgogne, menacée comme la Bretagne par les machinations du souverain, et qui, pour résister à la France, conseil-lait une alliance permanente avec l’Angleterre, seule en mesure de protéger le duché contre un monarque plus redoutable encore par son habileté que par sa puissance.

Vers l’époque où fut signé le traité de Senlis, un changement notable s’opère dans la politique, jusqu’alors incohérente, de François II. De mobile et timide qu’elle avait été, l’attitude de son gouvernement devient résolue et presque téméraire ; d’une position défensive, il finit par passer vis-à-vis de la France à une offensive audacieuse : à l’embauchage des seigneurs bretons, il répond en embauchant les princes du sang royal, il cherche partout des alliances et s’efforce de s’assurer les secours de l’Angleterre, même en y provoquant des révolutions; s’armant enfin d’une sévérité que semblait désavouer la bonhomie habituelle du prince, le ministère breton frappe et poursuit sur son propre territoire les secrets complices de la France, et s’il ne parvient point à les vaincre, il les contraint du moins à se démasquer. Acculé par l’imminence du péril à des résolutions extrêmes, François II s’abandonne à un esprit plus fort et plus résolu que le sien, et Landais, qui durant quinze ans n’avait été que son principal agent financier, devient, sous le coup