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des périls qui le pressent, le suprême Inspirateur de ce gouvernement aux abois.

En abordant l’étude du ministère de cet homme, revêtu à l’avènement du duc de la double charge de grand-trésorier et de maître de la garde-robe, j’éprouve un embarras que je dois tout d’abord confesser. Sur l’origine de Pierre Landais et les commencemens de sa carrière, je ne rencontre que des indications vagues, données presque toujours par ses ennemis, et je n’ai guère à répéter que des rumeurs populaires, telles qu’en suscite toute grande fortune suivie d’une grande catastrophe. Le riche dépôt de Nantes contient sans doute des liasses nombreuses étiquetées du nom de ce ministre; mais ces liasses ne paraissent comprendre que des actes publics, des comptes de finances allant de 1461 à 1485, date de la mort de Landais. Ces comptes, tenus avec une grande régularité, nous initient aux plus minutieuses dépenses ordonnancées pour la maison ducale, pour les libéralités publiques et secrètes du souverain, l’entretien de ses armées, de sa marine et des places fortes du duché; mais l’on n’y a jusqu’ici découvert aucun document qui soit de nature à nous révéler la pensée intime et personnelle de l’ordonnateur. L’on ne possède aucune des correspondances de Landais, et il n’est pas invraisemblable que ses papiers aient été détruits lors de son procès, soit par ses accusateurs, soit par lui-même. Les registres de la chancellerie et les comptes dits de Landais, successivement dépouillés de 1720 à 1760 par dom Lobineau, dom Morice et dom Taillandier, ont fourni des documens nombreux à la vaste publication qui n’a pas, avec ses annexes, moins de sept volumes in-folio. De notre temps, un successeur de ces savans hommes, qui joignait à leur érudition patiente une plus grande sagacité politique, a remué de nouveau nos archives ducales. Cependant, il faut bien le reconnaître, la partie de l’œuvre de M. Le comte Daru consacrée au ministère de Landais est à coup sûr l’une des moins nourries de son histoire; il est manifeste que l’auteur s’est borné à y répéter, en les abrégeant, les récits de ses devanciers. Or ces devanciers, quels sont-ils?

Nous rencontrons d’abord les trois auteurs de la double publication bénédictine, analystes plutôt qu’historiens, qui s’inquiètent moins d’apprécier les faits dans leur portée véritable que de les raconter dans leur plus minutieuse exactitude. A défaut de documens inédits, ils ont dû répéter les livres antérieurement publiés, et l’on va voir que ceux-ci émanent tous d’écrivains hostiles à Landais. Si Pierre Le Baud, ce bon et honnête chanoine de Vitré, de la même ville et presque du même âge que le grand-trésorier, n’avait arrêté à la mort du duc François II l’histoire de Bretagne entreprise par ordre de la duchesse Anne, fille de ce prince, nous aurions sur