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merais point que ces instructions aient toujours été suivies. Ici encore, c’est l’instinct spontané des populations qui a prévalu. Le choix des armes a été, comme celui du costume, une affaire de goût et de convenance. Il n’y a guère de villes, à ma connaissance, dans lesquelles on ne trouve à la fois des canonniers et des riflemen. Ces derniers sont néanmoins de beaucoup les plus nombreux. Ce sont aussi les mieux appropriés à la nature de la contrée, fermée par de continuelles clôtures et par d’autres obstacles qui s’opposeraient aux mouvemens d’une armée régulière. Je ne parlerai que pour mémoire de la cavalerie, qui s’est formée plus tard, et qui commence seulement à se développer. Les avis diffèrent sur l’efficacité de cette arme. On a pourtant fait observer que, l’Angleterre étant la nation qui produit les plus beaux chevaux, où ces animaux sont les plus soignés et où les hommes les montent le mieux, il serait facile de lever parmi les fermiers et les gentilshommes campagnards, tous plus ou moins chasseurs de renards[1], des escadrons de volontaires qui, dans le cas d’une invasion, serviraient à harceler les flancs d’une armée ennemie.

Après le choix de l’arme et de l’uniforme vient l’exercice. C’est ici, comme on pense bien, le point le plus important de la tâche que se sont imposée les volontaires. Dans les commencemens, ils firent appel aux sergens et aux caporaux de l’armée. En général, les divers corps ont payé leur instruction[2] ; il y a pourtant des sous-officiers de la ligne qui offrirent gratuitement leurs services. Il y a peu de mois, les volontaires du Working men’s Collegeège[3] se réunirent à un banquet pour présenter, en signe de reconnaissance, un sabre de prix au sergent-major Reed, qui a été blessé en Crimée, et qui porte sur la poitrine la médaille avec le ruban rouge. Le capitaine Thomas Hughes, auteur de Tom Browns school-days, l’un des hommes de lettres les plus accomplis de la jeune Angleterre, dit alors que, le corps n’étant point riche et n’ayant pas le moyen de payer un maître d’exercices, le projet de se constituer fût tombé dans l’eau, si le sergent Reed n’avait donné pour rien son temps et sa peine. Ses services n’avaient guère été épargnés, car les hommes de la compagnie avaient fait l’exercice presque tous les jours, et c’était grâce à ses soins qu’ils étaient arrivés à manier les armes d’une façon assez remarquable. On but donc par trois fois, et au milieu d’un tumulte d’enthousiasme, à la santé du brave sergent-major. Est-il besoin de

  1. Le duc de Wellington avait coutume de choisir pour ses aides-de-camp des officiers voués par goût à ce genre de sport, disant que c’étaient ceux qui se tenaient le mieux à cheval et qui bravaient le plus la fatigue.
  2. La rétribution était le plus souvent d’un shilling ou d’un demi-shilling par tête.
  3. Le Working men’s College, fondé pour répandre l’éducation parmi les ouvriers, est une des institutions qui font le plus d’honneur ;v la Grande-Bretagne.