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du sud sur la conduite à tenir dans la convention démocratique qui allait se rassembler de nouveau le 18 juin à Baltimore en vertu de la résolution prise à Charleston quelques semaines auparavant. Les délégations qui avaient fait défection à Charleston s’étaient donné rendez-vous à Richmond : on pensait qu’elles y feraient choix de candidats; elles se gardèrent de cette faute, qui les eût privées de tout droit de voter à Baltimore, et qui eût rendu infaillible la désignation de M. Douglas. Elles se présentèrent donc à Baltimore et demandèrent à siéger. Leur retour eût enlevé à M. Douglas toute chance d’obtenir la majorité des deux tiers; aussi fut-il combattu par les démocrates du nord et appuyé par ceux du sud. Après de longs et orageux débats, la demande des délégations dissidentes fut repoussée. On vota au contraire l’admission de deux délégations que les amis de M. Douglas avaient fait élire dans l’Alabama et la Louisiane. Aussitôt la délégation de Virginie quitta la salle en protestant, et fut suivie dans sa retraite par la presque totalité des délégués du sud et un certain nombre de délégués du nord, y compris le président, M. Caleb Cushing, du Massachusetts. Pendant que les amis de M. Douglas, demeurés maîtres du terrain, adoptaient à l’unanimité la candidature de leur chef, les défectionnaires allaient à quelques pas de là, dans un local retenu d’avance, organiser une convention rivale. On pouvait croire qu’ils adopteraient des candidatures extrêmes; il n’en fut rien : ils firent choix de M. Breckinridge, du Kentucky, et du général Lane, sénateur pour l’Orégon. Ces désignations étaient trop habiles pour n’avoir pas été concertées de longue main. La désignation du général Lane était l’accomplissement d’une promesse faite aux délégations de l’Orégon et de la Californie en retour de leur appui. Quant à M. Breckinridge, vice-président en exercice, d’un caractère aimable et insinuant, et fort populaire dans le parti démocratique, c’était le meilleur choix qu’on pût faire pour détacher de M. Douglas ses anciens collègues du sénat et toute la fraction modérée du parti.

Les défectionnaires n’étaient qu’au nombre de 125 sur 300 délégués dont se composait la convention ; mais ils représentaient la totalité des états du sud, les seuls dont le vote fût assuré à un candidat démocrate; aussi constituaient-ils la véritable force du parti. M. Douglas en eut bientôt la preuve : ses amis avaient désigné pour la vice-présidence M. Fitzpatrick, de l’Alabama; mais celui-ci, qui, très jeune encore, est arrivé à être gouverneur de son état et sénateur, ne voulut point compromettre dans une aventure son avenir politique et déclina courtoisement l’honneur qui lui était fait. On se rabattit alors sur M. Herschel Johnson, de la Georgie, qui accepta; malheureusement la première fois qu’il voulut parler en public dans son propre état, dont il avait été gouverneur, il fut hué par la popu-