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bêche, qui a su conquérir des terres sur les vagues de l’Océan, ne s’arrête point devant ces sables mouvans auxquels les tempêtes impriment des ondulations semblables à celles de la mer. Les dunes de la côte flamande forment une suite de monticules d’une hauteur de 10 ou 12 mètres sur une largeur qui varie depuis une centaine de mètres vers Heyst et Blankenberghe jusqu’à plus de 2 kilomètres à partir de Nieuport. Le vent d’ouest, en accumulant peu à peu les sables du rivage, a élevé cette barrière, qui se relie aux digues construites par la main de l’homme. Tantôt il n’y a qu’une seule rangée de collines, tantôt il y en a plusieurs qui suivent une direction parallèle, et ouvrent entre leurs hauteurs de petites vallées couvertes par les plantes i-aides et sèches de la flore marine. Des graminées particulières qu’on appelle hogats, quelques crucifères aux feuilles charnues, des argousiers nains, des chenopodiées y résistent à la violence des vents, et retiennent les sables mobiles par leurs longues racines, qui s’enfoncent profondément dans le sol pour y chercher un peu d’humidité. Cette végétation rabougrie, mal venue, aux teintes glauques et tristes, semble trahir un tel état de souffrance et de lutte qu’on croirait toute tentative de culture impossible. Aussi, quand, près de La Panne, village de pêcheurs dont les barques s’échouent sur la plage, on s’enfonce dans l’une de ces vallées qui s’étendent entre les crêtes des dunes, on ne s’attend guère à y rencontrer des champs cultivés. Et pourtant là, au milieu d’un sable blanc que le vent soulève en tourbillons, on aperçoit de petites cabanes construites en bois et couvertes de roseaux, entourées de quelques arpens de seigle ou de pommes de terre. Les habitans de ces maisonnettes possèdent une ou deux vaches que leurs enfans mènent paître dans les dunes moyennant une redevance payée aux propriétaires. En ajoutant au fumier de leur bétail tous les débris animalisés que rejette la mer ou qu’abandonnent les pêcheurs, ils parviennent à obtenir des pommes de terre farineuses qui jouissent d’une réputation méritée. Devant le travail incessant imposé aux pauvres gens qui sont établis dans ces plaines de sable, on se demande quelle terre resterait improductive sous leurs mains, quel désert ils ne parviendraient point à fertiliser.

Telle est l’agriculture du littoral. Pénétrons maintenant dans l’intérieur du pays. Nous nous trouvons dans une région sablonneuse qui est bornée au nord par la bande de terrains d’alluvion que nous venons de quitter, au sud par une ligne qui commence vers Ypres, passe par Courtray, Audenarde, Alost, en se dirigeant vers Hasselt et Maestricht. Cette région ne comprend que des terres siliceuses maigres, rendues çà et là un peu meilleures par la présence d’une certaine quantité d’argile, d’autres fois aussi presque complètement stérilisées par l’oxyde de fer qui durcit le sous-sol et le transforme en une sorte de tuf imperméable. En voyant les belles récoltes et la