Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 30.djvu/738

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vigoureuse végétation qui couvrent la contrée, on a peine à croire qu’elle ait été autrefois à peu près stérile. Pour se rappeler l’ancien état du pays, il suffit cependant d’examiner la nature du sol et du sous-sol dans les tranchées qu’a ouvertes le chemin de fer d’Anvers à Gand ou celui de Bruges à Courtray. Si la terre n’a pas été fortement défoncée, le sapin même y croît mal, et à côté d’un hectare de terre en culture qui vaudra 3,000 fr., on vendra la même surface de terrain vague pour 400 fr., preuve évidente que le sol tient presque toute sa valeur non de la nature, mais du travail de l’homme. C’est dans cette région peu favorisée que l’on trouve l’agriculture flamande avec tous les caractères qui la distinguent et qui méritent l’attention de l’économiste. Parmi ces caractères, les principaux sont la grande variété des cultures, l’étendue donnée aux cultures dérobées ou secondes récoltes, l’emploi abondant des engrais les plus actifs et l’extrême petitesse des exploitations. Chacun de ces points demande quelques développemens.

Sans énumérer toutes les plantes auxquelles le cultivateur donne ses soins, on peut citer, comme cultures industrielles, le colza, la cameline, le pavot, le houblon, le lin, le chanvre, la chicorée ; comme cultures alimentaires, le froment, le seigle, le sarrasin, les haricots, les pommes de terre ; comme cultures fourragères et de racines, le trèfle ordinaire et le trèfle incarnat, les féveroles et les vesces, les avoines, les pois, les choux, les betteraves, etc. La variété de ces récoltes donne aux campagnes en toute saison un aspect riant, un air de luxe et de parure. Jamais l’œil attristé ne s’égare sur de vastes guérets complètement dépouillés après la moisson, comme dans les pays riches où domine la culture du froment. Quand on parcourt les routes ombragées de peupliers du Canada qui relient les villages entre eux, il semble qu’on se promène dans un jardin parsemé de grands parterres de fleurs aux couleurs les plus variées. Au premier printemps, c’est la fleur d’un rouge vif du trèfle incarnat qui alterne avec le jaune éclatant des colzas ; puis s’ouvre la fleur de fin d’un bleu si doux, à laquelle succèdent les gracieuses petites étoiles blanches du sarrasin, les opulentes corolles des pavots à fleurs violettes et les grandes feuilles du tabac, dont le vert intense et la puissance de végétation rappellent les tropiques. Vue du haut de quelque clocher, la campagne entière ressemble à un immense tapis turc orné des tons les plus vifs et les mieux assortis. Aussi, quand le cultivateur flamand, habitué au spectacle de ses champs toujours verts, aperçoit les immenses plaines nues de la Picardie ou même de certaines parties de la Belgique, il se croit transporté dans un désert, ne comprenant pas que c’est la nature ingrate de sa propre terre qui l’oblige à recourir à des cultures si diverses. En effet, sans le produit des plantes industrielles, il ne pourrait payer ni la masse d’engrais