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mérant, nous verrons se succéder des cultures variées, depuis les plus grossières, qui croissent sur une terre à peine défrichée, jusqu’aux plus riches, auxquelles se prête un sol sans cesse amélioré.

La Flandre occidentale est traversée du nord-est au sud-ouest par une crête qui, se rattachant au Mont-Cassel en France et s’abaissant peu à peu entre Bruges et Gand, forme la ligne de partage des eaux entre la mer et la Lys. Au-delà de Gand, le même bourrelet se prolonge le long de la zone des polders et force l’Escaut à se rejeter vers l’orient avant d’atteindre sa large embouchure. Le terrain de cette ligne de partage est singulièrement difficile à mettre en rapport, parce que le sous-sol, mêlé de cailloux, composé tantôt de tuf ferrugineux, tantôt d’argile compacte, retient les eaux de pluie et arrête le développement des racines. Jusqu’à une époque assez récente, cette partie du pays, peu habitée, était couverte de maigres taillis, de bruyères marécageuses parsemées de bois rabougris de hêtres et de chênes. Çà et là, on rencontre encore quelques centaines d’hectares dont la flore particulière annonce les sables humides. Les roridulées, qui couvrent la terre d’une teinte rougeâtre, les lycopodiacées aux tiges rampantes, le lichen des rennes, qui semble envelopper les arbres d’une couche de cendres blanchâtres, l’abondance des fougères et des mousses, l’air malingre des autres plantes, donnent au paysage un aspect de stérilité maladive. C’est au moyen du pin sylvestre qu’on a fait peu à peu la conquête de ces districts ingrats. Quand le sous-sol est imperméable, on le défonce, on retourne la terre à la bêche et l’on y sème le précieux résineux, ou bien l’on y plante de jeunes pins d’un an à raison de 33 ou 35, 000 par hectare. Au bout de sept ou huit ans, on élague et on éclaircit la plantation, l’on creuse des fossés dont la terre sert à recouvrir les aiguilles tombées des sapins, et l’on vend les fagots qui, au prix de 8 ou 10 fr. Le cent, couvrent les frais de cette opération. On éclaircit et on élague de nouveau tous les deux ans, jusqu’à ce que les arbres aient atteint une vingtaine d’années. Alors on commence à y couper des perches qui servent de tuteurs au houblon ; à vingt-cinq ans, on y trouve des étais pour les galeries de mines, à trente du bois pour les petites constructions rustiques ; à quarante, quand la terre est naturellement profonde ou qu’elle a été bien défoncée, l’hectare peut encore porter de 1,000 à 1,200 sapins valant au moins à fr. pièce, ce qui porterait la valeur de la superficie à 4 ou 5,000 fr. Si l’on tient compte de tous les produits antérieurs, un hectare de plus sylvestres donnera donc en Flandre un revenu net annuel de 100 ou 150 fr. ; mais ce revenu doit être considéré comme exceptionnel, parce que généralement la mauvaise qualité du sol ne permet pas à la plantation de continuer à croître avec vigueur au-delà de vingt ou vingt-cinq ans. Toutefois on peut estimer le produit moyen à la