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nemens qui se sont accomplis en Chine et au Japon de 1857 à 1859. Cette publication, qui relate les principaux incidens des négociations engagées avec les gouvernemens chinois et japonais pour la conclusion des traités de Tien-tsin (20 juin 1858) et de Yedo (26 août 1858), est pleine d’intérêt : elle contient des révélations fort instructives sur les mœurs et les institutions politiques de ces deux empires, qui représentent à l’extrémité de l’Asie une civilisation si différente de la nôtre. Elle n’est pas complète cependant. Une correspondance officielle, à supposer même qu’elle soit toujours véridique, ne peut pas tout dire; son moindre défaut est de pécher par omission. Il y a des faits qu’un diplomate juge prudent de ne pas exposer trop longuement par écrit; il y a des impressions qu’un gouvernement préfère ne point livrer à la curiosité indiscrète du public ou à l’incommode critique d’un parlement. Cela est vrai en Angleterre comme ailleurs. D’un autre côté, il ne faut pas s’attendre à trouver dans un blue-book ces mille détails de descriptions pittoresques qui souvent éclairent d’une vive lumière les plus graves événemens de la politique. Le caractère sérieux d’une dépêche ne se prête guère aux grâces du récit, et il est rare qu’un diplomate s’expose à égayer de loin son gouvernement. Lord Elgin, on doit lui rendre cette justice, s’est quelque peu écarté de la règle commune : il n’a point dissimulé ce qu’il y a d’amusant et d’étrange dans les habitudes chinoises; il a raconté à l’occasion de curieuses scènes de mœurs, et ses dépêches prennent parfois l’empreinte de la couleur locale ; mais ici encore il a dû omettre bien des traits piquans, bien des épisodes qui appartiennent cependant à l’histoire de sa mission diplomatique. La publication officielle présentait donc de nombreuses lacunes. Ce que lord Elgin ne pouvait ou ne voulait pas écrire, son secrétaire particulier, M. Laurence Oliphant, l’a raconté au public dans une narration détaillée qui a obtenu en Angleterre un légitime succès, et qui ne sera pas moins appréciée en France, où elle se produit sous les auspices et avec une introduction de M. Guizot.

Nous avons déjà exposé dans la Reçue, à l’aide des dépêches de lord Elgin et des lettres familières de M. Wingrove Cooke, correspondant du Times, l’historique de la campagne de Chine et des négociations de Tien-tsin et de Shang-haï. Le livre de M. Oliphant fournit un complément d’informations que l’on devra mettre à profit pour l’étude des relations européennes avec le Céleste-Empire. Il contient sur la conduite même de la guerre des renseignemens qui, écrits avec l’approbation et peut-être sous la dictée de lord Elgin, seront très précieux à consulter. Ainsi l’ambassadeur anglais croyait avoir à se plaindre de la lenteur et du mauvais vouloir de l’amiral Seymour, qui, disait-on, n’avait pas envoyé au Peï-ho en temps utile les canonnières nécessaires pour attaquer immédiatement les forts de Takou et pour ouvrir aux alliés la route de Pékin : accusation très grave, que lord Elgin n’avait pas exprimée nettement dans ses dépêches officielles, M. Oliphant a pris moins de ménagemens pour incriminer la conduite de l’amiral, et ses critiques ont eu pour résultat, non-seulement de provoquer au sein du parlement une discussion très vive dans laquelle l’amiral Sey-