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Maintenant nous pouvons aborder le problème qui motive ces premiers développemens; maintenant que nous savons ce que sont un minéral, un végétal, un animal, et à quel caractère on reconnaît un règne, nous pouvons nous demander si l’homme a réellement une place dans l’un des trois que nous connaissons, ou, pour parler plus simplement, dans le dernier. L’homme est-il un animal, et, s’il en est ainsi, quelle place lui revient dans nos cadres zoologiques? Les réponses à cette double question ont été nombreuses et bien diverses. « Le tableau des contradictions de l’esprit humain est ici complet, a dit M. Isidore Geoffroy; pas une case n’y reste vide. » Et ce jugement sévère n’est que trop justifié par le tableau même de ces contradictions. Tour à tour on a fait de l’homme un règne spécial, un embranchement du règne animal, une classe, un ordre, un sous-ordre, une famille, une sous-famille, un genre, une simple espèce d’un genre dans lequel il se trouvait accolé à un singe. Je n’ai pas à discuter toutes ces opinions, parmi lesquelles il en est de si étranges. Il suffira de justifier celle que j’ai embrassée depuis bien des années, et que chaque jour davantage je regarde comme la seule vraie[1]. Pour moi, l’homme diffère de l’animal tout autant et au même titre que celui-ci diffère du végétal; à lui seul, il doit former un règne, le règne homminal ou règne humain, et ce règne est caractérisé tout aussi nettement et par des caractères de même ordre que ceux qui séparent les uns des autres les groupes primordiaux qu’on vient d’énumérer.

Pour justifier ces propositions, il nous faut montrer qu’il existe dans l’homme un ensemble de faits ou de phénomènes complètement étrangers à l’animal. Où chercherons-nous ces phénomènes? Sera-ce dans l’organisation, dans la structure et le jeu des appareils? L’anatomie, la physiologie comparées ont depuis longtemps répondu négativement. La première a retrouvé jusque dans les types inférieurs les organes essentiels de l’homme, et, chez les mammifères, chez les singes surtout, elle a démontré une identité absolue de composition anatomique, os par os, muscle par muscle, vaisseau par vaisseau, nerf par nerf. Quelques variations de volume, de dimension, de disposition, en harmonie avec les formes extérieures, constituent presque les seules différences. A mesure que les moyens

  1. J’ai nettement exprimé mon opinion relative à l’existence d’un règne formé par la seule espèce humaine dans une note placée au début d’un ouvrage publié d’abord dans la Revue (Souvenirs d’un naturaliste, 1854). Dès 1S38, j’avais motivé cette manière de voir dans un ' cours public fait à Toulouse.