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passant à travers les obstacles ou saisissant l’occasion aux cheveux sans s’arrêter un instant, prenant alertement son rôle de trouble-fête des vieilles combinaisons, et faisant payer cher aujourd’hui à l’Europe tout un passé de dominations et d’interventions.

D’où viennent ces événemens que nul n’eût osé prévoir il y a deux ans à peine? Du plus profond de l’histoire assurément; ils sont le résultat d’une multitude d’élémens traditionnels qui viennent se résoudre dans une mêlée définitive. Par les conditions dans lesquelles ils s’accomplissent, par les mobiles qui les dirigent, ils ont cependant un caractère essentiellement moderne qui les relie à tout ce qui s’agite en Europe. Où vont-ils aujourd’hui? Le but semble marqué, la route est ouverte; c’est le dernier pas, le plus difficile peut-être, qui reste à franchir. C’est entre ce passé et cet avenir encore inconnu que le mouvement des choses a jeté la dernière guerre et la paix qui l’a suivie comme le nœud de l’histoire contemporaine de l’Italie. Tout ne part pas de là, mais dès ce moment tout prend une allure nouvelle et plus décisive. La guerre des grandes puissances finit, la France s’arrête d’elle-même, la diplomatie européenne attend son heure qui ne vient pas, et l’Italie met la main à sa destinée.

Le monde change si vite de face, les choses contemporaines se précipitent avec une telle fureur que cette paix de Villafranca, qui venait si soudainement marquer la limite de l’action armée de la France, disparait aujourd’hui derrière un amas d’événemens ou de commentaires passionnés et contradictoires. En réalité, cet acte à demi énigmatique sorti de l’entrevue de deux souverains avait un double sens : il contenait un arrangement direct, précis entre la France et l’Autriche au prix de la cession d’une. province conquise, et en même temps il traçait en traits généraux le programme d’une organisation nouvelle de la péninsule sous la sauvegarde d’un principe qui était l’esprit même de la paix, qui en résumait la vraie signification morale : c’était le principe de non-intervention reconnu en présence des insurrections déjà victorieuses et organisées à Florence, à Modène, à Parme, à Bologne, l’importance de cette paix était assurément bien moins dans la cession de la Lombardie, si riche que fût ce premier fruit de la guerre, moins encore dans les combinaisons qu’elle consacrait ou qu’elle proposait que dans cette condition mystérieuse qui bannissait désormais l’intervention de la force des affaires italiennes. Si les préliminaires de Villafranca restaient muets sur ce grave supplément de la paix, ce n’était point par oubli : on l’a su depuis, c’était uniquement par une nécessité momentanée de situation, pour faire honneur à une convenance de l’empereur François-Joseph, qui voulait réserver toutes les chances