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états, de trois, six ou neuf propriétaires d’esclaves, présidés par un juge de paix et choisis dans la localité même où le crime vrai ou prétendu a été commis ; c’est dire que les accusés sont livrés à la merci de la haine et de la vengeance. Afin de compléter cet aperçu des dispositions du code pénal, ajoutons que, d’après le texte de la loi, le blanc meurtrier d’un nègre est passible de la peine capitale ; mais on comprend que les circonstances atténuantes ne manquent pas pour amoindrir le crime du planteur, accusé et jugé par ses pairs dans une cause qui est en même temps la leur. D’ailleurs cette loi, véritable réclame à l’adresse des abolitionistes du nord, se hâte d’ajouter que le blanc coupable seulement d’avoir assassiné un nègre dans un mouvement de colère est passible d’une amende de 500 dollars au plus, et d’un emprisonnement n’excédant pas six mois. Quoiqu’il n’ait jamais été exécuté, cet article du code a soulevé bien des récriminations parmi les hommes du sud, et nombre de jurisconsultes se demandent si le meurtre d’un nègre est vraiment un meurtre.

Dans les états du sud où les prétendus nègres libres n’ont pas été déjà frappés d’un décret de proscription en masse, les affranchis, n’étant protégés par aucun propriétaire, ont encore bien plus que les esclaves à redouter la terrible action des lois qui pèsent sur eux. Ils sont censés libres, mais ils n’ont pas les privilèges des hommes libres ; ils ne peuvent voter dans les comices ni s’occuper aucunement des intérêts politiques ou sociaux de la république ; ils ne siègent pas comme jurés dans les tribunaux, ils ne peuvent même servir de témoins, si ce n’est contre des esclaves ou des hommes de leur caste, et encore sans la formalité d’un serment, trop noble pour être souillé en passant par leurs lèvres[1] ; il leur est défendu de porter des armes sous peine du fouet. D’après le texte de la loi, ils ne peuvent même se couvrir que de vêtements d’étoffes grossières, et, comme des galériens, doivent ainsi se signaler de loin par leur costume ; on s’occupe aujourd’hui de remettre en vigueur ce règlement du code noir, qui était tombé en désuétude. Le nègre libre qui insulte ou frappe un blanc est puni d’emprisonnement ou d’amende, à la discrétion de la cour, suivant l’énormité du crime. S’il est d’abord frappé par un blanc, et qu’il ait l’audace de se défendre et de tuer l’agresseur pour protéger sa propre vie, il est coupable de meurtre et jugé en conséquence[2]. Il ne peut épouser qu’une femme de sa caste ; il lui est défendu de se marier même avec une esclave ; toute union ainsi contractée est qualifiée par la loi de vil concubinage, les enfans qui en proviennent sont illégitimes et ne peuvent hériter de leurs parens. Pas plus que les esclaves, les nègres et les

  1. Negro-law of South-Carolina, pages 13 et suivantes
  2. Ibid, page 28.