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parent est tellement lié avec elle par l’affinité de race, de religion, d’intérêts commerciaux, que la politique traditionnelle des souverains de ces deux nations avait cherché à cimenter par l’union des familles royales l’alliance des deux peuples. Les hostilités qui les ont séparés n’ont laissé à tous deux que des souvenirs cruels, et ces souvenirs suffisent pour protéger la Péninsule contre d’impossibles agressions. En sûreté donc sur toutes ses frontières, elle n’a vraiment besoin de forces militaires que pour défendre ses vastes colonies et pour garantir la tranquillité intérieure. Il faut donner à cette occasion un mot d’éloge à la garde civique, dont les qualités solides égalent celles de notre gendarmerie, et dont le chiffre de dix mille hommes devrait être augmenté.

Pour assurer le calme à l’intérieur comme pour soutenir son rang au dehors, pour mériter de compter parmi les grandes puissances, l’Espagne n’aurait pas même besoin d’entretenir sur pied une armée active de cent mille hommes. Il suffit qu’elle s’applique de plus en plus à développer les forces productives de son territoire, à maintenir le libre exercice de ses institutions. C’est à la monarchie constitutionnelle, à la politique libérale et conservatrice du gouvernement, qu’il faut reporter l’honneur d’avoir remis l’ordre dans les finances, la régularité dans l’administration et le calme dans les provinces. La paix et la prospérité au dedans, le crédit au dehors, tout récemment un nouveau lustre ajouté à ses armes, voilà ce que le peuple espagnol a obtenu d’un régime de libre discussion, et ce qui signalera dans l’histoire le règne d’Isabelle II. En ce moment même où, par un merveilleux concours de circonstances, l’Espagne ne se trouve mêlée directement à aucune des querelles qui peuvent agiter d’autres états européens, le gouvernement de la reine Isabelle peut porter à un haut degré la prospérité d’une nation digne de tous les biens. L’Europe libérale saluera de ses applaudissemens un tel résultat; la France en particulier se sentira redevable envers les hommes qui auront accru la puissance d’un des trois peuples de la race latine, et préparé cette alliance de l’Espagne, de l’Italie et de la France, indispensable à la sécurité de leurs communs intérêts.


BAILLEUX DE MARIZY.