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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/1007

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ment l’opinion ; sur la question intérieure, nous ne sommes point encore suffisamment édifiés, et nous demeurons dans une incertitude qui entretient la curiosité avec laquelle nous attendons les débats de l’adresse au sénat et au corps législatif.

Occupons-nous d’abord de la question intérieure. Nous le redisons : la portée du décret du 24 novembre reste encore fort vague. Cela ne nous étonne point, et nous croyons en apercevoir la raison. Le décret du 24 novembre n’a fait qu’accroître dans une certaine mesure les prérogatives du corps législatif. Or, selon nous, l’efficacité réelle des prérogatives accrues du corps législatif est subordonnée à deux questions qui ne sont point touchées dans le décret du 24 novembre, à la question électorale et à la question de la liberté de la presse. Dans son discours aux chambres, l’empereur a tracé ce que l’on peut appeler sans manquer au respect l’idéal de la constitution actuelle développée par le décret de novembre. Pour mieux faire comprendre ce qu’est le corps législatif dans l’esprit de la constitution, l’empereur a jugé utile de montrer par comparaison ce qu’il n’est pas. Il a en conséquence évoqué le souvenir de nos anciennes chambres des députés d’avant 1848. Le corps législatif ne ressemble point à ces chambres. Elles étaient élues par le suffrage restreint, le corps législatif émane du suffrage universel ; elles comptaient dans leur sein un grand nombre de fonctionnaires, ce qui donnait au gouvernement une action directe sur leurs résolutions, tandis que le corps législatif né, possède aucun fonctionnaire public. Cette comparaison pourrait assurément donner lieu à quelques observations. Nous ne nous prononçons pas sur la question théorique de savoir s’il n’y a pas dans un pays où la classe des fonctionnaires occupe une si large place une sévérité excessive à exclure absolument les fonctionnaires de la représentation. Sans revenir sur ce point autrefois si ardemment controversé, ne peut-on rappeler que plusieurs officiers de la maison de l’empereur font partie du corps législatif ? Entre leur situation et celle des fonctionnaires, la différence est-elle bien grande ? Si la différence existe, nous serions disposés à l’interpréter à l’avantage des fonctionnaires. L’empereur en effet étant responsable, la nature des choses, l’honneur ne commandent-ils pas aux députés attachés à sa maison, à sa personne, de voter les projets de loi présentés en son nom par ses ministres ? N’est-il pas évident au contraire que, dans les cas douteux où la conscience du député le porterait à donner un vote d’opposition, l’opinion attendrait avec plus de confiance et accueillerait avec plus de faveur un tel vote de la part d’un député magistrat que de la part d’un député chambellan ? Passons sur cette chicane subalterne. On pourrait encore faire remarquer que, la fonction de député étant aujourd’hui rétribuée, l’ancien grief que l’on avait contre la présence des fonctionnaires salariés dans les chambres n’aurait plus de fondement, ou retomberait sur le corps législatif tout entier. On reprochait aussi à l’ancien système de faire pour le député de sa conduite parlementaire un moyen de