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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/1015

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vaincu à la lecture des dépêches des ministres de France à Rome et à Naples. Quels que soient donc les regrets que l’on doive à de respectables infortunes, quel que soit le blâme que méritent quelques-uns des moyens qui ont été employés par la politique italienne, les esprits sensés doivent prendre leur parti de ce qui est irrévocablement accompli, ne songer qu’à ce qui est possible dans l’avenir et cesser de s’épuiser en récriminations rétrospectives. Quelques anciens libéraux français, qui semblent avoir perdu la tradition de l’esprit politique et l’instinct des opinions de toute leur vie, feraient bien de ne point se laisser emporter à la dérive sur les épaves des naufrages qui viennent d’avoir lieu en Italie. Certes ce n’est point à ceux qui se sont associés avec élan à la révolution de 1830, ce n’est point à ceux qui ont travaillé avec foi à faire sortir de cette révolution un gouvernement libéral et régulier, de décourager en Italie, malgré les incorrections d’un début fatalement tumultueux, une tentative semblable, à laquelle concourent de nobles passions nationales, de hautes intelligences, de fermes et probes caractères. Nous reconnaissons que l’inertie où est tombée depuis dix ans en France la vie politique a dû enlever aux esprits, dans l’appréciation des questions extérieures surtout, l’aplomb, l’assurance, la justesse. Il y a pourtant un signe qui ne trompe pas et qui devrait suffire pour remettre dans leur voie les libéraux hésitans. Tous les partis libéraux en Europe sont solidaires ; si nous voulons ne point nous égarer dans nos jugemens sur la cause que nous devons aider en Italie, nous n’avons qu’à regarder celle qui a les sympathies des libéraux dans les pays où la vie politique est demeurée active. En Angleterre, en Belgique ; le libéralisme soutient la cause italienne. En Allemagne même, ne venons-nous pas de voir le parti libéral donner à cette cause un témoignage décisif de sympathie ? M. de Vincke ne vient-il pas de faire voter à une chambre prussienne une déclaration qui répudie toute idée d’antagonisme entre l’Allemagne et l’Italie dans sa constitution nouvelle ? Des libéraux qui, en France, ne feraient pas des vœux pour que l’Italie assure son avenir par les libres institutions qui lui ont été déjà si utiles feraient schisme avec le libéralisme européen, et paraîtraient désavouer leurs principes.

Le grand événement de l’Allemagne a été dans ces derniers temps l’amendement de M. de Vincke à l’adresse de la chambre prussienne. D’abord, dans la commission de l’adresse, M. de Vincke, avait essayé d’obtenir une rédaction plus forte que celle que la chambre vient d’adopter : il y disait que l’unité de l’Italie est un intérêt européen. Cette rédaction n’avait été repoussée dans la commission qu’à la majorité d’une voix. M. de Vincke l’a présentée à la chambre sous une forme différente : « La chambre déclare qu’il ne serait de l’intérêt ni de la Prusse ni de l’Allemagne de s’opposer à la consolidation progressive de l’Italie. » L’Italie sans doute a le profit de cette déclaration, qui n’a été combattue par M. de Schleinitz qu’en des termes qui n’impliquaient aucune hostilité contre le mouvement italien ; mais la manifestation de M. de Vincke n’est pas née seulement d’un sentiment d’af-