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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/1014

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Nous voulons parler des affaires de Rome et des affaires de l’Italie méridionale. Nous n’avons plus grand’chose à dire du rôle joué par la France dans ces transactions. Nous y avons eu, on le sait, une position qui parfois a paru un peu fausse, et qui, dans tous les cas, a été souvent pénible : l’application, les bonnes intentions, les habiletés de style du ministre français ne peuvent nous le faire oublier. Il y a là des contradictions que nous ne sommes point assez fins pour concilier entre le principe de non-intervention professé par nous et la façon dont nous le pratiquons. Nous n’avons jamais été partisans de l’occupation de Rome par nos troupes ; mais, puisque notre drapeau était là, nous avons vu avec une amertume extrême qu’on l’y fît assister à l’invasion des Marches et de l’Ombrie par les Piémontais. Nous ne faisons pas de l’intervention quand nous occupons Rome, et non-seulement Rome, mais le patrimoine de saint Pierre ; nous n’en faisions pas quand nous faisions reculer poliment certains corps piémontais au-delà des lignes que nous nous étions tracées ; nous n’en aurions pas fait lorsque nous étions décidés, si seulement l’Angleterre eût voulu joindre son escadre à la nôtre, à empêcher Garibaldi de passer de Sicile en terre ferme ; nous n’en avons pas fait non plus en gardant pendant quatre mois notre escadre devant Gaëte, et nous en aurions fait si nous eussions averti les Piémontais que nous ne pouvions pas leur laisser passer la Cattolica… Nous sommes trop délicats ou nous ne sommes point assez subtils pour distinguer ces nuances. Il y a surtout dans ces événemens un moment déplaisant : c’est celui où le ministre des affaires étrangères oppose, par une circulaire aux agens diplomatiques, un démenti explicatif à une calomnie fondée sur des paroles attribuées au général Cialdini, et qui tendaient à faire croire que l’empereur, à Chambéry, avait donné son approbation au plan de l’invasion des états romains par les Piémontais. C’était sur des hypothèses bien différentes des prétextes qui furent donnés à l’entreprise piémontaise que l’empereur avait été appelé par les envoyés sardes à se prononcer. On ne voit pas sans un fâcheux étonnement les paroles d’un souverain ainsi travesties par la jactance indiscrète de ceux qui ont eu l’honneur de l’approcher.

Mais cette partie du recueil des documens diplomatiques s’applique à des faits consommés, et sur lesquels il est maintenant oiseux de revenir. On y peut lire cependant avec intérêt et avec profit les causes intimes de la chute des pouvoirs qui ont succombé. La cour de Rome n’est-elle pas victime de son immuable fatalisme, de sa résistance à toute réforme, à toute concession opportune, bien plus encore que de l’agression piémontaise ? Le malheureux roi de Naples, que sa résistance à Gaëte a rendu l’objet de toutes les sympathies, n’a-t-il pas succombé sous la démoralisation et la corruption qu’avait entretenues l’absurde et malfaisante politique de son père plutôt que sous les coups des bandes garibaldiennes ? Il y avait un principe intime et irrémédiable de mort en Italie dans tout ce qui est tombé devant le Piémont et le mouvement unitaire. On en demeure con-