Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/153

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

noire au profit de la population blanche, et tend de plus en plus à transformer ces pays en états libres. Déjà plusieurs cantons virginiens, limitrophes de la Pensylvanie et de l’Ohio, tels que l’important district de Wheeling, ne possèdent plus un seul nègre. Lors des récentes élections, le parti républicain fut sur le point de l’emporter dans l’état à esclaves du Delaware.

S’ils perdent ainsi un terrain considérable du côté du nord, les planteurs peuvent-ils du moins espérer l’extension de leur domaine vers l’ouest et vers le sud ? Une des nécessités vitales de l’esclavage est d’accroître son empire ; les propriétaires de nègres ne peuvent jouir en paix de leur autorité qu’à la condition de faire participer à leurs vues un nombre d’hommes toujours plus considérable. Pendant plusieurs années, tout leur a souri : ils ont annexé le Texas, le Nouveau-Mexique ; ils ont fait voter la loi sur l’extradition des nègres fugitifs ; ils ont, en violation du compromis, engagé la lutte du Kansas. Là s’est arrêté leur triomphe. Par trois fois ils ont fait attaquer l’île de Cuba, qui leur semble devoir être plus sûre dans leurs mains que dans celles de l’Espagne ; mais leurs attaques ont misérablement échoué, et les maîtres espagnols, menacés dans leur indépendance nationale et dans leurs propriétés, seront peut-être obligés de se faire abolitionistes à leur tour. Les esclavagistes font aussi menacer les Antilles libres par leurs journaux, et déclarent qu’à la première guerre ils donneront aux noirs de ces îles à choisir entre l’esclavage et la mort[1] ; mais la république d’Haïti, qui depuis plus d’un demi-siècle préparait le pénible enfantement de sa liberté, entre maintenant dans une ère de progrès, et forme avec les autres Antilles libres un double rempart d’îles et d’îlots opposant une barrière infranchissable à la propagation de l’esclavage américain. Bien souvent aussi les propriétaires d’esclaves ont réclamé l’annexion du Mexique et de l’Amérique centrale, pu trente millions de nègres au moins pourraient travailler au profit de maîtres blancs. En annexant ces contrées, les esclavagistes y ramèneraient à la fois la paix et la servitude, comme ils l’ont fait dans le Texas ; ils formeraient un vaste empire qui leur donnerait la clé de deux continens et la suprématie sur deux mers ; du haut de leur citadelle de l’Anahuac, ils pourraient longtemps braver toutes les attaques de la liberté. Malheureusement pour eux, le flibustier Walker n’a point réussi dans son entreprise de conquête, souvent réitérée, et, malgré leurs dissensions intestines, les huit millions de Mexicains se refusent unanimement à l’introduction des esclaves. En outre les puissans états libres de la Californie et de l’Orégon, fondés sur les rivages

  1. New-Orleans Daily Delta.