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et bien marquées pourraient seules m’en faire départir. J’espère d’ailleurs recevoir les instructions de votre excellence avant de devoir dessiner nettement l’attitude que pourrait me faire adopter un changement complet et subit dans celle qu’on a prise vis-à-vis de moi. »


« Le même au même.

« Saint-Pétersbourg, 11 janvier 1842.

« Monsieur,

« Le secret sur les ordres qui ont pu être donnés à M. de Kisselef pour le 1er janvier a été si bien gardé que rien de positif n’a transpiré à cet égard. Tous les membres du corps diplomatique paraissent persuadés, et je partage cette croyance, qu’il lui a été enjoint de ne pas paraître aux Tuileries, et si ce parti a été pris dans un moment d’irritation, le temps aura manqué pour donner le contre-ordre que la réflexion pourrait avoir conseillé. Quoi qu’il en soit, je sais que M. de Nesselrode et ceux qui approchent l’empereur affirment qu’aucun courrier n’a été envoyé au chargé d’affaires de Russie à Paris. Bien que la vérité doive être connue de votre excellence au moment où elle recevra cette dépêche, je crois nécessaire de la mettre au courant de tout ce qui se dit et se fait ici. Ma conduite n’en peut être affectée, ni mon attitude modifiée ; je reste dans l’ignorance de tout ce qui n’a pas un caractère officiel, et ne dois pas hésiter, ce me semble, à moins d’ordres contraires, à me rendre au palais le 1er (13) janvier.

« J’ai eu l’honneur de dire à votre excellence que la société paraissait embarrassée de sa position vis-à-vis de l’ambassade, et empressée d’en pouvoir sortir. Dans le salon de Mme de Nesselrode, où j’ai cru de mon droit et de mon devoir de me montrer, ne fût-ce que pour protester contre l’ostracisme dont j’étais frappé, j’ai pu me convaincre que j’avais été bien informé et que mes appréciations étaient fondées. J’ai trouvé Mme de Nesselrode froide, mais polie ; plusieurs des assistans ont été fort prévenans. Au bal de l’assemblée de la noblesse, où j’ai facilement remarqué que ma présence causait une espèce de sensation, je n’ai eu à me plaindre de personne : l’accueil des uns a été ce qu’il était naguère, celui des autres empreint peut-être d’une espèce de gêne ; mais si quelques personnes ont cherché, quoique sans affectation, à m’éviter, ce n’était guère que celles qui, volontairement ou non, se sont trouvées le plus compromises vis-à-vis de moi.

« Ces deux occasions ont été les seules où je me sois trouvé en contact avec la société, les seules où j’aie jugé utile et convenable de me montrer. Pas un Russe n’a paru chez moi. Quant à Mme Casimir Périer, je n’ai pas trouvé à propos qu’elle sortît de chez elle.