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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/315

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sont en pleine décadence. La partie française du bassin de la Moselle n’est plus visitée par les saumons ; mais, par une singularité dont les causes devraient être éclaircies, ils vont frayer, dans la Sure, petite rivière du Luxembourg. Les Hollandais gagneraient peut-être beaucoup à tolérer des montées de saumons suffisantes pour peupler et le Rhin et ses, affluens. L’exagération de leur système tend à la suppression, des frayères, et par conséquent à l’appauvrissement des eaux qu’ils exploitent. La générosité leur serait pourtant plus fructueuse que la jalousie. Si leur esprit de calcul les amenait à cette conclusion, il suffirait d’organiser les éclosions artificielles dans les ruisseaux des Vosges, pour rétablir le saumon dans tout le cours de la Moselle ; nos soins profiteraient à d’anciens compatriotes : ce ne serait pas un grand mal.

Ce qui serait bon sur des rivières moitié françaises, moitié étrangères, le serait à plus forte raison sur des rivières dont le cours appartient tout entier à notre territoire. La raison d’être des ateliers d’éclosion est leur aptitude à fournir des élémens d’empoissonnement aux eaux, mal pourvues, et l’avantage en est complété par la force instinctive qui ramène périodiquement le saumon aux lieux de sa naissance. Il y a toutefois quelque chose de plus urgent que d’importer le saumon dans des eaux auxquelles il est étranger : c’est d’en arrêter la destruction dans celles où il est établi. Le premier pas à faire dans une voie meilleure est l’interdiction absolue de la pêche du saumoneau ; il n’en faut pas davantage pour substituer immédiatement l’abondance à la pauvreté. Des interdictions analogues sont prononcées avec beaucoup moins de raison par les règlemens sur la pêche côtière, par la loi sur la chasse. Le parlement d’Angleterre, non moins chatouilleux, sur les restrictions à la liberté des citoyens que notre corps législatif, a défendu, par un acte de 1825, la pêche du saumon pendant une partie de l’année. Les exemples ne manqueraient donc pas plus que les raisons pour obtenir de la législature les mesures de police que l’administration ne se croirait pas aujourd’hui suffisamment autorisée à prendre.

Parmi les autres poissons de mer qui remontent au loin les eaux douces, citons seulement la sole et la plie à cause des observations utiles dont elles peuvent être l’objet. Larges et plates, elles ne se plaisent que sur des fonds de sable. Leur conformation leur interdit le séjour des rivières dont le lit est fangeux ou rocailleux. Alexandre de Humboldt et M. Valenciennes, voyageant ensemble en 1818, furent surpris de se voir servir à Coblentz des soles fraîches, et leur étonnement s’accrut lorsque allant, à la manière d’Aristote, chercher des sujets d’observation sur la place du marché, ils la virent couverte de soles. Ils apprirent qu’on était au moment d’une grande remontée