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physique, et quand une partie des termes qui les composent échappe à la faiblesse de notre vue, il ne faut point croire que l’équation n’existe pas. La matière ne se crée point, elle se déplace, elle se transforme, et les élémens de la vie sont en transfusion perpétuelle entre le règne animal et le règne végétal. Dieu accorde quelquefois à l’intelligence humaine la faculté d’en diriger les migrations, et si l’aménagement de la pêche est un moyen d’ajouter si peu que ce soit aux forces de notre pays, sachons compléter l’œuvre de la Providence.


VI. — POLICE DE LA PÊCHE.

L’action de la nature a sans doute une très grande part dans les résultats à espérer ou à craindre des entreprises d’empoissonnement des eaux courantes ; mais la législation et l’administration en ont une aussi : elles contrarient ou secondent le développement spontané de la production, et, suivant qu’elles sont éclairées ou aveugles, elles font naître dans des circonstances naturelles identiques l’abondance ou la stérilité. Cette étude ne serait donc pas complète, si les institutions qui régissent parmi nous la pêche y étaient laissées à l’écart.

La pêche en eau douce s’exerce, à l’égard de la propriété, dans trois conditions différentes : — dans les étangs, dans les cours d’eau navigables ou flottables, et dans ceux qui ne le sont pas.

La mieux caractérisée de ces conditions est celle de la pêche des étangs. Ces garennes d’eau, « comme on les appelait au moyen âge, sont partout une création de l’industrie de l’homme ; elles s’emplissent ou se vident à volonté. La production du poisson alterne avec celle des grains ou des fourrages, et l’autorité publique n’a pas plus à s’en mêler que de l’ensemencement des champs. Compris dans le domaine privé, les étangs ne sont pas assujettis à d’autres règles que celles du droit civil, et cela ne les soustrait pas plus que toute autre propriété aux lois sur la salubrité publique.

Dans les eaux courantes, la pêche est subordonnée à d’autres principes. Celles qui ne sont ni flottables ni navigables sont soumises par leur nature et par les lois générales du pays à des servitudes considérables et bien justifiées au profit des riverains ; mais elles ne sont pas pour cela leur propriété, et parmi les circonstances qui en témoignent est le classement cadastral du lit de ces eaux parmi les surfaces non imposables. Les eaux courantes, qui dans leur ensemble et leur solidarité abreuvent, rafraîchissent le territoire et alimentent son système de communications le plus naturel, font en principe partie du domaine public, et c’est pour cela qu’il appartient à l’état de régler tous les travaux de dérivation