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gouvernement impérial avec un réel contentement, comme une nouvelle preuve de son désir sincère de rendre durable le repos de l’Europe. M. le comte de Nesselrode a bien voulu y ajouter des complimens personnels auxquels je suis fort sensible, car ils me prouvent que le gouvernement impérial a pour ma conduite une estime qui m’est précieuse. Toutefois j’ai remarqué dans cette lettre une phrase conçue en ces termes : « Bien que M. Guizot n’ait peut-être point pour la Russie des dispositions très favorables. » Ces paroles m’ont causé quelque surprise, et je ne saurais les accepter. Les intérêts et l’honneur de mon souverain et de mon pays sont pour moi la seule mesure des dispositions que j’apporte envers les gouvernemens avec qui j’ai l’honneur de traiter. M. le comte de Nesselrode, qui a si bien pratiqué cette règle dans sa longue et glorieuse carrière, ne saurait la méconnaître pour d’autres, et les sentimens qu’il vient de nous témoigner, au nom du cabinet impérial, me rendent facile aujourd’hui le devoir que je remplis en repoussant la supposition qu’il a exprimée. »

Le baron André s’acquitta de sa commission, et m’en rendit compte le 3 mai.

« Monsieur,

« M. de Nesselrode m’a écrit, il y a quelques jours, pour m’apprendre qu’il allait mieux et qu’il pourrait me recevoir. Je me suis rendu chez lui. Après m’avoir parlé de sa santé, le vice-chancelier m’a fait connaître en peu de mots les nouvelles qu’il venait de recevoir de Constantinople ; puis il a ajouté : « Mon courrier de Paris est enfin arrivé. Il m’a apporté la conversation que M. de Kisselef a eue avec M. Guizot. Je sais même que vous en avez le compte-rendu ; vous voyez que je suis bien informé. » J’ai répondu que c’était la vérité. Comme il gardait le silence, je lui ai demandé alors la permission de lui donner lecture de votre dépêche du 14 avril. Lorsque je suis arrivé à la citation de la phrase que votre excellence a remarquée, M. de Nesselrode m’a interrompu en disant : « Cette dépêche adressée à M. de Kisselef n’était pas faite pour être communiquée ; elle n’aurait pas dû l’être. — Mais, ai-je repris, cette supposition n’en a pas moins été faite, et M. Guizot ne saurait l’accepter. »

« Après avoir achevé cette lecture, M. de Nesselrode a fait de nouveau la même observation et m’a dit qu’il allait expédier un courrier à Paris qui porterait la réponse aux dépêches qu’il avait reçues de M. de Kisselef et par conséquent à ce que je lui disais aussi.

« Il a pris ensuite une des dépêches de M. de Kisselef qui se trouvait sur sa table et m’en a donné lecture. C’était le résumé de la conversation qu’il a eue avec votre excellence. Ce résumé est à