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bien dès lors attribuer le développement à l’influence humaine. Or, si cette influence a pu produire le plus, comment lui refuser le pouvoir de faire le moins ? Elle explique seule des écarts assez grands pour éloigner certaines races de toutes les espèces connues et en faire des êtres exceptionnels. Comment refuser de voir en elle la cause de modifications bien moindres, et d’où résultent des ressemblances variables avec quelques-unes de ces espèces ? On le peut d’autant moins que ce refus ne serait motivé sur aucun fait, sur aucune expérience, et que, pour le maintenir, il faudrait repousser toutes les analogies tirées de l’histoire des races dont la souche première a été découverte, ou n’a jamais été oubliée. On le voit, tout dans l’étude des races domestiques conduit à la doctrine de l’unité d’origine, de l’unité d’espèce. Toutefois nous n’exagérons rien, nous ne prétendons pas que jamais il n’y ait eu de croisement d’une espèce à l’autre, que jamais par exemple chez nos chiens domestiques le sang primitif du chacal n’ait reçu quelques gouttes d’un sang étranger, soit du loup, soit peut-être de quelque autre espèce voisine ; mais il y a très loin de ces unions accidentelles et de leurs résultats à un véritable mélange des espèces, à la formation de races hybrides. Au reste, cette question capitale sera traitée plus tard avec tous les développemens qu’elle mérite. Nos lecteurs verront alors combien on a généralisé à tort quelques faits isolés, combien surtout on en a exagéré les conséquences.

Races libres ou marronnes. — Après avoir parcouru l’histoire des races sauvages et domestiques, il nous reste à dire quelques mots de celles qui se sont formées sous l’empire successif de la servitude d’abord, puis d’une liberté reconquise. Malheureusement ces racés ont été fort peu étudiées. On n’a que bien rarement fait des expériences, car, l’homme ne se prive pas volontairement des serviteurs qu’il s’est acquis, et lorsque le hasard ou des circonstances particulières ont rendu à l’état de nature ses plantes cultivées, ses animaux, domestiqués, il ne s’est guère inquiété de ce qu’ils devenaient ; aussi manquons-nous en général de détails précis sur les caractères qui distinguent les races libres de leur souche encore asservie.

toutefois du peu qui a été recueilli sur ce sujet ressort un fait général important. Toute race végétale ou animale qui échappe à la culture, à la domesticité, perd un certain nombre des caractères qu’elle leur devait et se rapproche du type sauvage. Abandonnée à elle-même dans un terrain inculte, la carotte de nos potagers reprend au bout de quelques générations la racine grêlé, sèche et fibreuse des individus sauvages. Placé dans les mêmes conditions, le navet se conduit de même et reproduit la racine de la navette, qui n’est qu’une race différente de la même espèce. Redevenus sauvages,