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exclusivement sur les champs de bataille. Laissant au grand historien du premier empire l’honneur de raconter de main de maître les sanglans épisodes de la lutte intrépide soutenue par son héros, M. de Viel-Castel s’est de préférence attaché à retracer les incidens de la politique intérieure. Il a surtout pris soin de nous peindre l’agitation sourde des esprits, la naissance, les progrès croissans et l’ascendant définitif de ce mouvement d’opinion qui a précédé, amené et suivi le retour des Bourbons. Plus que les faits de guerre, si prodigieux qu’ils fussent, les efforts tentés pour la paix, si éphémères qu’ils aient été, tiennent une large place dans son récit. Par prédilection de métier, si l’on veut, ou plutôt, selon nous, par un juste sentiment de l’importance des événemens et de leur influence ultérieure sur les destinées de notre pays, l’ancien directeur des affaires étrangères, sans sacrifier tout à fait les généraux aux diplomates, nous entretient plus volontiers de transactions diplomatiques que de manœuvres militaires. Chez le nouvel historien de la restauration, le lecteur trouvera, il faut en convenir, moins de détails sur la journée de Leipzig que sur le congrès de Prague ou sur les propositions de Francfort. Les combats de Brienne, de Montmirail, de Champaubert et de Nangis l’ont, à vrai dire, moins occupé que les conférences de Châtillon ou le traité de Chaumont. Sa tendance est bien marquée, son parti-pris est évident. Serons-nous fort à blâmer si nous suivons nous-même cet exemple ? Le public nous en voudra-t-il beaucoup si, tout plein et tout ému de ce dramatique récit de la chute du premier empire, quand les formidables coups de canon tirés pour la défense du sol national, depuis les rives du Rhin jusque sous les murs de Paris, résonnent encore à nos oreilles, nous nous efforçons d’aller, hors du tumulte des camps, chercher d’autres enseignemens que ceux de la force brutale, et méditer, loin de la fumée de la poudre, des leçons auxquelles la fortune des combats ne saurait rien changer ? Serait-ce une étude sans intérêt que celle qui, laissant un peu dans l’ombre les faits de guerre, irait chercher, dans l’incohérence et la mauvaise foi qui ont présidé aux dernières négociations de Napoléon, une des causes de la chute du régime impérial ? Bien courte est en effet la sagesse de ceux qui s’imaginent voir le sort des empires se décider uniquement sur les champs de bataille. Grâces en soient rendues à l’éternelle justice, les arrêts qu’elle prononce ne dépendent ni des hasards de la stratégie ni de l’habileté des tacticiens : considérez-les de près, et vous y reconnaîtrez le plus souvent le châtiment longtemps différé des fautes autrefois commises. À ce point de vue, les deux volumes de M. de Viel-Castel apprennent beaucoup, mais ils ne disent pas tout : son récit est exact, mais il ne pouvait être complet, car il n’entrait pas dans son