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cadre de donner beaucoup de détails sur les derniers événemens des années 1813 et 1814. Aidé de quelques documens nouveaux ; nous voudrions essayer de combler cette lacune et de mettre en relief un certain nombre de circonstances inconnues ou mal représentées, d’où nous semblent ressortir, si quelque illusion ne nous abuse, d’utiles leçons et une haute moralité.

Plût au ciel, en effet, que Napoléon n’eût jamais provoqué ni mérité ses revers ! Mais, disons-le hautement, c’est lui-même, c’est lui seul qui s’est porté les coups mortels. Aux yeux de l’Europe aussi bien que dans l’opinion de la France, la condamnation du régime impérial était écrite avant qu’un seul soldat étranger eût passé nos frontières. La chute du despotisme qui, depuis quinze années, pesait sur le monde était, en 1814, devenue inévitable. Quelques heureuses rencontres de guerre pouvaient encore la retarder, mais ne pouvaient plus désormais l’empêcher. En vain, après Nangis et Montereau, la victoire aurait, pour quelques jours encore, favorisé nos drapeaux ; en vain le chef de l’héroïque armée qui s’épuisait pour couvrir Paris aurait pu disposer d’un équipage de pont ; en vain le sort lui eût épargné, soit la reddition imprévue du pont de Soissons, soit la défection coupable d’Essonne : d’autres incidens seraient survenus qui ne pouvaient manquer tôt ou tard d’aboutir à la même catastrophe. Sciemment et de parti-pris, l’empereur avait rendu toutes les transactions impossibles ; il avait, de propos délibéré, poussé les choses à cette extrémité où, pour rassurer entièrement l’Europe, il fallait de toute nécessité que la France fût annulée ou l’empereur renversé. Napoléon lui-même en avait conscience. Aussi habile à tout prévoir qu’incapable de se dompter en rien, il avait, depuis ses revers, signalé déjà plus d’une fois à son entourage effrayé les périls de sa situation. À Prague, dans la vivacité de l’un de ces entretiens où, avec un laisser-aller un peu superbe, il se plaisait à parler librement de lui-même et des autres, il n’avait pas craint de livrer son secret, prédisant en de hautaines paroles l’issue fatale de la lutte où il était irrévocablement engagé. « Vos souverains nés sur le trône ne peuvent comprendre les sentimens qui m’animent, avait-il dit à M. de Metternich ; ils rentrent battus dans leurs capitales, et pour eux il n’en est ni plus ni moins. Moi, je suis un soldat, j’ai besoin d’honneur et de gloire ; je ne puis reparaître amoindri aux yeux de mon peuple. Il faut que je reste grand, glorieux, admiré. — Quand donc finira cet état de choses, avait repris M. de Metternich, si les défaites comme les victoires sont pour vous un égal motif de continuer ces guerres désolantes ? Victorieux, vous voulez tirer les conséquences de vos victoires ; vaincu, vous voulez vous relever. Sire, nous serons donc toujours