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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/455

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de complimens pour son beau-frère, le duc de Vicence, ajoutant qu’on avait une telle idée de sa justice et de sa loyauté qu’on lui remettrait volontiers, si l’on pouvait, les intérêts de l’Autriche et ceux de tout le monde, pour en décider suivant les principes d’équité qu’on lui connaissait[1]. Peu de momens après, le comte de Nesselrode entrait, annonçant que M. de Hardenberg pouvait être regardé comme présent et approuvant ce qui allait être dit. Alors, au nom des cours coalisées, M. de Metternich se mit à développer leurs vues communes et les conditions de la paix qu’on chargeait M. de Saint-Aignan d’offrir à l’empereur. Ces conditions sont aujourd’hui connues : la France reprendrait ses limites naturelles, le Rhin, les Alpes et les Pyrénées ; l’Angleterre, maîtresse de toutes nos colonies, était prête à nous en rendre la plus grande partie. Ce qu’on nous offrait ainsi au-delà de nos anciennes frontières, c’était la Belgique, la rive gauche du Rhin et la Savoie, moyennant la cession de quelques-unes de nos possessions tombées au pouvoir des Anglais. Pendant que, retiré un moment dans une pièce voisine de celle où cette conversation avait lieu, M. de Saint-Aignan mettait par écrit, sous forme de note verbale, les communications qu’il venait de recevoir, M. de Metternich vint lui demander « s’il avait quelque répugnance à voir l’ambassadeur d’Angleterre, qui venait d’arriver chez lui. » En rentrant dans le salon, où était resté M. de Nesselrode, M. de Saint-Aignan y trouva en effet lord Aberdeen, et, sur l’invitation de M. de Metternich, donna lecture à ces trois messieurs de la note qu’il venait d’écrire. Après l’avoir écouté, lord Aberdeen réitéra l’assurance « que l’Angleterre était prête à faire les plus grands sacrifices. Elle possédait beaucoup, mais elle rendrait à pleines mains. Toutefois il devait déclarer qu’elle ne consentirait jamais à rien qui porterait atteinte à ses droits maritimes. Il ne concevait pas ce qui avait pu faire croire à l’empereur Napoléon que l’Angleterre ait eu l’intention de limiter à trente vaisseaux de ligne la marine française ; jamais cette idée n’était venue à personne en Angleterre, Lord Aberdeen répéta plusieurs fois qu’il désirait beaucoup connaître la France et Paris, et parla de l’estime que la nation anglaise avait pour les Français[2]. » — « Ces offres des cours alliées, dit M. de Viel-Castel, étaient faites avec franchise et bienveillance, avec des ménagemens de langage qui témoignaient d’un sincère désir de conciliation… Les passions vindicatives qui animaient les cabinets comme les peuples semblaient s’être endormies

  1. Rapport de M. de Saint-Aignan, passage retranché dans le Moniteur supprimé du 20 janvier.
  2. Rapport de M. de Saint-Aignan, passage retranché dans le Moniteur supprimé du 20 janvier.