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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/479

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usuriers et les trente ou quarante pachas qui font fortune sur les débris du pays[1], » on reste, dis-je, convaincu que l’administration turque est décidée à méconnaître les conditions du crédit, tout en voulant en user, c’est-à-dire qu’elle ne veut être ni probe ni sincère, mais qu’elle veut emprunter sans avoir ni la volonté ni les moyens de payer.

La commission voulait procéder à la réforme des finances turques en formant des budgets, en réglant l’emploi de ces budgets, en faisant rendre des comptes, en créant un contrôle administratif, en cherchant soit dans un des grands conseils de l’empire, soit dans un nouveau conseil constitué de la manière la plus indépendante possible, un contrôle en quelque sorte législatif, en mettant par la publicité la plus grande un frein aux actes de l’administration ottomane. — Cette réforme était grande, et je ne suis pas étonné qu’elle ait rencontré beaucoup d’obstacles. Expliquons brièvement quels sont ces obstacles. Ceux qui tiennent à l’ignorance et à l’inexpérience en matière de comptabilité, je consens bien volontiers à ne point les mettre à la charge des Turcs ; mais ceux qui tiennent à la mauvaise volonté et au parti-pris de perpétuer le désordre, afin de perpétuer les dilapidations, il m’est impossible de ne pas les noter, afin de montrer où est la véritable plaie de l’administration turque.

La commission demandait qu’avant quelle procédât à la réforme des finances turques, le ministre des finances, qui était membre de la commission, fît un exposé de la situation actuelle. La commission savait bien que cet exposé serait difficile à faire avec une administration qui connaît ou pratique si peu les règles de la comptabilité. Cependant, si la commission ne pouvait pas espérer d’avoir un exposé qui expliquât le passé, elle pouvait être instruite de l’état présent. — Laissons le passé au désordre, disaient les membres européens de la commission, mais saisissons l’état présent et préparons l’ordre pour l’avenir. — Le ministre, des finances n’a jamais fait cet exposé, et cette difficulté de rendre compte de l’état présent des finances ne peut s’expliquer qu’en supposant que ceux qui ont en main le pouvoir, ou n’ont pas d’autorité, ou ne veulent pas s’en servir.

La commission, ne pouvant pas avoir d’exposé général, a demandé à l’administration de détailler et de résumer lus ressources de l’état par eyalet, livas et cazas, c’est-à-dire divisions et subdivisions administratives, de résumer et de détailler aussi les charges de l’état par nature de service, pour former les budgets par départemens

  1. La Turquie contemporaine, page 80.