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choses avait jusqu’à présent enveloppé ces relations. Le pouvoir exécutif dans son expression la plus haute, le pouvoir impérial, est fondé, d’après la constitution de 1852, sur le principe de la délégation. Ce pouvoir a été indéfiniment délégué par le suffrage populaire à la personne et à la dynastie d’un prince. Le principe sur lequel repose l’existence d’une chambre des députés véritable est le principe de la représentation. Le peuple a délégué le pouvoir exécutif, mais il ne conserve et ne maintient sa liberté politique qu’à une condition : c’est qu’il exercera un contrôle permanent sur le pouvoir revêtu de sa délégation, au moyen d’une assemblée où il sera représenté par des députés. Avec l’influence directe que le pouvoir a exercée jusqu’à ces derniers temps sur l’élection des députés, avec la publicité incomplète des discussions législatives, avec les entraves imposées au droit d’amendement, et la liberté de la presse faisant défaut, de bons esprits auraient pu éprouver une perplexité réelle, s’ils eussent été mis en demeure d’expliquer la vraie nature du corps législatif, et de se prononcer sur la question de savoir s’il était ou un appendice du pouvoir délégué, ou une réelle assemblée représentative. En admettant que le doute fût permis avant le 24 novembre, il ne l’est plus depuis.

Le corps législatif prend décidément le caractère d’une assemblée représentative. Cette situation mieux définie se révélera peut-être, par la suite, dans les rapports du corps législatif avec le pouvoir ; mais elle doit dès à présent se marquer dans les rapports de la chambre avec le corps électoral. Les questions qui touchent à la liberté des élections acquièrent par là une importance capitale. Il semble que le système des candidatures présentées au nom du chef du pouvoir exécutif devra être peu à peu abandonné. En tout cas, on pourra désormais invoquer avec plus de logique, plus d’autorité, par conséquent plus d’énergie, toutes les franchises qui garantissent le libre jeu des opérations électorales.

Il importe d’autant plus d’établir le vrai principe sur lequel repose incontestablement désormais le corps législatif, il importe d’autant plus d’assurer d’avance les garanties que réclame ce principe dans l’élection des députés que, suivant toutes les vraisemblances, nous allons assister à la dernière session du corps législatif actuel. En dissolvant la chambre, le gouvernement donnera la mesure de l’importance qu’il attache lui-même aux changemens apportés par le décret du 24 novembre dans le caractère et les attributions du corps législatif. Quand aura lieu la dissolution ? Laissera-t-on le corps législatif achever régulièrement la session, ou dissoudra-t-on la chambre après la discussion de l’adresse ? Nous l’ignorons. Nous devons dire pourtant que les rumeurs les mieux autorisées assignent une date très prochaine à la dissolution. Cette perspective d’élections nouvelles soulève des questions intéressantes, difficiles, délicates. On se demande, dans les divers groupes qui ont pris autrefois une part active à la vie publique de la France, ce qu’il faut faire en présence de l’appel qui va être adressé au pays, comment et dans quelle mesure l’on doit se mêler au mouvement élec-