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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/494

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toral. Faut-il borner son action à la fonction électorale ? faut-il poser des candidatures ? Nous le répétons, ces questions sont à la fois très intéressantes et très délicates. Nous n’éprouvons pour notre compte aucun embarras à les aborder.

Nous sommes de ceux qui pensent que les convictions sincères et les opinions vivaces ne doivent et ne peuvent, en aucun temps, sous aucun prétexte, se retirer de la vie politique du pays. L’abstention est le suicide des causes politiques. Chacun, dans la mesure de son influence, des opportunités qui lui sont offertes, des moyens d’action qu’il possède, est tenu de s’associer aux destinées de son pays. Ce devoir est plus impérieux encore pour ceux qui se sont liés à la cause de la liberté, et qui, après tous les échecs qu’a éprouvés parmi nous la cause libérale, ne pourraient sans déshonneur se refuser aux occasions qui se présentent à elle et la compromettre par la trahison suprême de leur lassitude et de leur découragement. L’abstention érigée en système serait donc à nos yeux une impardonnable faute. On a pu, dans nos rangs, accueillir avec plus ou moins de confiance et d’élan cette apparence de renaissance libérale qui reluisait dans le programme du 24 novembre ; mais s’il devait y avoir là un germe fécond de liberté, il n’est personne parmi nous qui eût voulu encourir la responsabilité de l’étouffer sous son indifférence. Le devoir général est ainsi compris par tous ceux qui s’honorent d’être demeurés fidèles à la cause libérale. En politique toutefois, le devoir de l’action se mesure, pour les hommes et les partis, d’abord à l’intérêt évident de leur cause, ensuite aux moyens d’agir qui existent pour eux. Ces deux considérations peuvent influer diversement sur la conduite des partis et sur celle des personnes. La candidature à la députation n’est point, on en conviendra, un devoir pour tout le monde. Si l’on veut y regarder de près, on se convaincra qu’il existe bien en France une cause libérale, mais qu’il n’y a pas encore de parti libéral organisé, et que, parmi les hommes mêmes que la cause libérale a le droit de revendiquer comme ses représentans les plus autorisés et les plus honorés, tous ne serviraient pas également leur dignité personnelle, leur cause et leur parti, en se jetant dans l’action avec impatience, et en demandant avec un empressement inopportun la députation au pays. Pour constituer une cause, il suffit d’un ensemble de principes, d’intérêts, de nécessités politiques, et à ce titre la cause libérale existe amplement en France : la cause est dans les idées et dans les choses. Pour constituer un parti, il faut réunir les personnes à la poursuite du même but, concilier les opinions et les intérêts de plusieurs, combiner et discipliner dans une conduite générale les efforts individuels : les partis sont des combinaisons d’hommes ; à ce point de vue, il n’est pas encore permis de dire que le libéralisme existe parmi nous à l’état de parti politique. Si nous examinons ensuite les situations personnelles, nous ne pouvons oublier l’empreinte que nos révolutions successives ont laissée sur les plus grandes et les plus illustres. L’importance des rôles joués et des engagemens contractés dans le passé a créé à quelques-uns des hommes éminens auxquels