Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/513

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par son industrie et son commerce extérieur, l’intérêt agricole est encore le plus grand, le plus influent, le plus écouté. Et qui pourra dire qu’en France, où la population agricole est cependant infiniment plus nombreuse, elle exerce une influence équivalente sur la marche de l’état ?

Malgré cet ensemble d’admirables efforts, la récolte de 1860, excellente dans le midi de la France et peu inférieure à la moyenne dans le nord, a été décidément mauvaise en Angleterre, où le froid et l’humidité ont dépassé tout ce qu’on a vu chez, nous. On a beau faire, on ne parvient pas complètement à vaincre le climat, et plus la production des céréales est savante et artificielle, plus elle redoute les accidens. Comme en même temps la population anglaise, qui dépassait déjà le double de la nôtre à surface égale, ne cesse de monter avec rapidité, il n’y a qu’un surcroît d’importation qui puisse suffire aux exigences de la consommation. L’exportation de nos grains et farines pour l’Angleterre ne pourrait donc que prendre une extension fructueuse pour nos producteurs, si les combinaisons de l’échelle mobile, qu’on a eu soin de conserver dans ce qu’elle avait de contraire à la sortie des grains français, n’y mettaient obstacle. Si nous étions, nous aussi, dans l’usage de tenir des meetings agricoles, nous devrions y réclamer à grands cris contre cette injustice, car notre nouveau système de douane, en accordant une franchise absolue à tous les produits agricoles étrangers, a fait disparaître jusqu’à la dernière ombre de protection pour l’agriculture nationale, et c’est bien le moins qu’on lui accorde en échange la liberté d’exportation pour ses produits.


L. DE LAVERGNE.


M, l’abbé Perraud m’a fait l’honneur de m’écrire pour me demander de justifier ou de rétracter publiquement les expressions dont je m’étais servi dans la Revue, en faisant allusion à un article publié par lui. Avant d’avoir pu recevoir ma réponse, M. l’abbé Perraud a fait annoncer par deux journaux qu’on attendait ma rétractation. Aujourd’hui il me somme, par le ministère d’un huissier, de développer les causes de mon opinion. J’ai fait ce que j’ai pu pour éviter ce débat ; j’ai essayé de montrer à M. l’abbé Perraud, dans des lettres très claires, qu’il valait mieux pour lui laisser tomber dans l’oubli un article malheureux, échappé à son inexpérience politique. Les amis de M. Perraud ont défendu son article ; je n’ai pas répondu aux accusations dirigées contre moi, ne m’inquiétant point de l’interprétation que l’on donnerait à mon silence. Je désirais laisser à M. l’abbé Perraud le dernier mot : cela aurait dû lui suffire ; mais il me demande de faire une chose impossible, il me demande de dire le contraire de ce que je pense. J’avais le droit et même le devoir de juger sévèrement son article : c’est à la presse qu’il appartient de faire justice de la presse. M. l’abbé Perraud veut absolument que je publie les causes de mon opinion, et me condamne à parler.

Nous commençons par reproduire la lettre écrite par M. l’abbé Perraud au directeur de la Revue. On remarquera que sa défense s’appuie à peu près exclusivement sur des citations tirées de l’ouvrage de M. de Beaumont, et destinées à amoindrir l’effet que pourraient produire certains passages de l’écrit en discussion. L’ouvrage de M. de Beaumont a vingt-cinq ans de date ; il y a eu depuis en Irlande la maladie des pommes de terre, la famine