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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/583

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frappé sur l’intelligence religieuse à l’endroit sonore, qu’il ait enfin éveillé quelque idée déjà peut-être vivante, quoique endormie. Quelle était cette idée ? que devait-il en sortir ? qu’en est-il sorti ? C’est ce qu’il nous reste à examiner ; mais ici nous nous arrêterons un moment. Nous savons qu’il y a, dans ces sortes d’examens, danger d’erreur à trop pousser les conséquences, et il est vrai que souvent à force de logique on violente la vérité des choses. Défions-nous-en tout le premier, cherchons un guide et un appui. Il y a dans l’histoire une discussion toute semblable, portant sur la même question, et jugée de la même manière par une grande autorité, par Bossuet. Qu’on nous permette donc d’apporter d’abord cet exemple, et de nous mettre un moment, pour commencer, à l’abri de ce grand nom ; le reste en paraîtra plus clair.

Nous avons déjà remarqué qu’au XVIIe siècle les érudits, soit catholiques, soit protestans, expliquaient l’analogie ou l’identité des dogmes chez les divers peuples de l’antiquité, non par une origine commune et une transmission directe et universelle, mais par quelques communications accidentelles avec les Juifs, possesseurs uniques et privilégiés de la religion véritable. Cependant, vers la fin de ce même siècle, l’opinion contraire, celle-là même qu’ont reprise de nos jours Joseph de Maistre et Lamennais, fit son apparition et, quoique bien timide encore et fort restreinte, souleva une grande rumeur. Ce furent les jésuites, missionnaires en Chine, qui, mus par des nécessités pratiques, l’inventèrent et la soutinrent avec ardeur, Ces hommes remarquables, courageux pionniers de la foi, qui travaillaient si vaillamment à préparer le sol du Céleste-Empire pour une riche moisson de chrétiens, avaient bien, comme mathématiciens, astronomes, philosophes, érudits, conquis une grande considération parmi les classes supérieures ; mais, comme missionnaires, ils rencontraient des obstacles insurmontables, surtout de la part des lettrés, qui opposaient à la doctrine étrangère leurs propres traditions, leurs dogmes, leur morale, la sainteté de leurs ancêtres. Les jésuites comprirent qu’il fallait transiger, essayer un contact, et prendre un point de départ dans le peuple même qu’ils se proposaient de convertir. Ils projetèrent donc une sorte de fusion religieuse ; ils montrèrent aux lettrés que les choses essentielles étaient après tout les mêmes de part et d’autre, et que le christianisme ne serait qu’une fécondation nouvelle de leur religion, un couronnement de l’édifice élevé par leurs pères, dont ils autorisèrent le culte. De là une méthode nouvelle, qui enfantait un système nouveau ; l’exclusivisme juif était répudié, le christianisme allait se greffer directement sur l’antiquité chinoise. Cependant d’autres missionnaires, animés d’un zèle plus rigide, et sans doute aussi d’une rivalité de corps, jetèrent les hauts cris ; de là, en Europe, des