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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/602

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politique… Son gouvernement étant un mélange d’aristocratie, de démocratie et de monarchie, ce dernier élément, quoique très limité, est assez puissant pour faire aller la machine sans le secours des deux autres, et pas assez pour nuire au pays, car, quoique le ministre ait la majorité dans la chambre, s’il veut faire quelque entreprise nuisible à la nation, ses amis l’abandonnent, comme il arriva dans la guerre de Russie. Le peuple n’a au gouvernement que la part qu’il doit avoir, c’est-à-dire dont il est susceptible, et quoiqu’on prétende qu’il est acheté aux élections, son choix tombe sur des personnes qui ne voudraient pas se déshonorer en soutenant une mauvaise cause, nuisible à la nation et contraire à leurs propres intérêts. L’aristocratie est aussi une partie de ce gouvernement, car c’est un certain nombre de familles qui composent la chambre haute ; mais elle ne blesse pas, parce que la chambre des communes est remplie des frères de ces lords, et qu’il n’y a pas un des membres de la chambre basse qui ne puisse aspirer à devenir lord, si les services qu’il a rendus à l’état le méritent. Mais il n’y a pas de pays où chaque ordre soit plus classé qu’en Angleterre. Le peuple sent sa liberté, mais rend ce qui est dû à chacun. Ce peuple est né pour la liberté ; il y est habitué, et en respectant son supérieur il sait qu’il est son égal devant la loi. Si l’Angleterre avait eu un gouvernement oppressif, ce pays, ainsi que son peuple, serait le dernier de l’univers : mauvais climat, mauvaise terre, productions par conséquent qui n’ont aucun goût ; il n’y a que la bonté de son gouvernement qui en a fait un pays habitable. Le peuple est triste, sans aucune imagination, sans esprit même, avide d’argent, ce qui est le caractère dominant des Anglais ; il n’y en a pas qu’on ne puisse acheter avec plus ou moins de ce métal. J’attribue ce vice au besoin extrême qu’on en a dans ce pays, où, avec une fortune considérable, on est pauvre, vu les taxes énormes qu’on paie et la cherté affreuse dont sont les choses de première nécessité.

« Il me paraît que les bonnes lois de ce pays ont habitué le peuple à la justice, il m’a paru aussi qu’il défendait volontiers le faible : les enfans qui courent dans les rues n’ont jamais rien à craindre. Les Anglais aiment les femmes pour le besoin physique, mais ne connaissent pas la nécessité de vivre en société avec elles. Ils sont maris exigeans et sévères, et les femmes sont en général plus sages que dans les autres pays, parce qu’elles ont plus à risquer ; la distribution des maisons les empêche de recevoir chez elles sans que les domestiques et le mari en soient instruits ; Elles sont en général bonnes mères et bonnes femmes ; mais elles aiment le jeu, et les grandes dames aiment beaucoup la dissipation. On ne connaît pas à Londres la société particulière, ni le charme de cette société ; on vit dans sa famille, c’est-à-dire avec son mari et ses enfans, car on ne rend rien à son père ni à sa mère, au moins parmi la classe que j’ai fréquentée.

« Les Anglais ne sont capables de sentir aucun des beaux-arts, et encore moins de les exécuter ; ils achètent beaucoup de tableaux et n’y entendent rien… »


Il y a sans doute des accusations injustes dans ces notes écrites au courant de la plume ; elles contiennent aussi des détails qui ont