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L’aspect du pays montre assez combien sont faibles ses ressources d’alimentation. Autour des villages, on n’aperçoit le plus souvent que quelques pâturages. Les maisons sont entourées de petits jardins où l’on cultive quelques légumes. Le terrain schisteux est pauvre, et, à mesure qu’on s’élève, l’altitude du sol restreint de plus en plus les cultures. Aux environs de Clausthal, situé à 560 mètres au-dessus du niveau de la mer, la pomme de terre est encore cultivée de loin en loin ; mais dans les régions plus hautes on ne trouve plus ni les sapins de la forêt ni les graminées des prairies : des herbes raides et des bruyères y couvrent le sol d’un sombre manteau ; çà et là d’énormes tas de tourbe noire, découpée en briquettes qu’on fait sécher à l’air, interrompent seuls la monotonie de ces landes élevées. Je traversai une de ces tourbières en franchissant le Bruchberg, montagne qui sépare Clausthal d’Andreasberg ; le plateau qui la couronne n’est qu’à 300 mètres environ au-dessous de la cime du Brocken. À cette hauteur, le vent soufflait avec violence ; le ciel, de tous côtés découvert, était sombre et traversé de nuées menaçantes et capricieusement éclairées. La vue s’étendait au loin dans les plis d’un grand nombre de vallées, et pouvait suivre les croupes sombres et arrondies des montagnes. Je me rappelle encore l’impression d’isolement et de tristesse que j’éprouvai en ce lieu : rien n’y rappelait plus l’homme, sauf la fumée lointaine de quelques usines cachées dans un recoin de la montagne.

Maintenant qu’on connaît les rapports généraux de l’état avec les corporations du Harz, je voudrais montrer quels sont pour les individus eux-mêmes les résultats de cette organisation sociale, fondée sur le patronage et le droit au travail. Pour cela, il faut indiquer les conditions particulières que subissent tant d’existences vouées aux travaux les plus durs et les plus périlleux.

Les enfans des mineurs reçoivent dans les écoles les élémens de l’instruction primaire ; leur éducation religieuse se fait dans le temple luthérien. On les voit partir le matin pour aller souvent à une grande distance, un livre et une ardoise sous le bras, avec cette gravité précoce particulière aux enfans qui sont habitués de très bonne heure à se passer de guides et à se suffire à eux-mêmes. L’enfance se partage ainsi entre l’école et le foyer domestique. La mère vaque seule à tous les soins du ménage, et le père, revenu de la mine, reste au logis dans un complet repos, qui lui est bien nécessaire après son pénible travail. Cette vie intérieure et paisible a sa poésie et ses touchans épisodes, souvent reproduits dans des gravures qu’on voit presque partout dans le Harz. L’une de ces compositions naïves m’a toujours frappa : on y voit le mineur en costume de travail, ses outils au côté, quittant la chambre où s’écoulent toutes les heures