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extérieure repose sur un prolongement osseux faisant partie du squelette et toujours largement abreuvé de sang. Si les cornes se multiplient comme dans le bélier d’Islande, si elles disparaissent comme dans les moutons Costwood et Dishley, les chèvres d’Abyssinie, etc., il faut que des changemens analogues aient lieu dans le système sanguin et jusque dans la charpente osseuse. On voit combien sont considérables ces changemens, si faibles en apparence. En réalité, il n’en est aucun qui ne nécessite la multiplication, la diminution, la modification ou l’annihilation d’organes complexes dans la composition desquels interviennent les appareils organiques les plus centraux.

Les organes internes, bien moins variables que ceux dont nous venons de parler, parce qu’à des degrés divers ils sont nécessaires à l’entretien de la vie, n’en présentent pas moins, dans certaines races, des modifications considérables. M. de Filippi nous apprend qu’il existe dans le Piacentino une race de bœufs qui possède quatorze paires de côtes au lieu de treize ; les crânes du sanglier et du porc domestique se distinguent au premier coup d’œil ; le cerveau du barbet est proportionnellement double au moins de celui du dogue. Dans nos races coureuses, la charpente osseuse s’est allongée ; l’appareil tendineux, très développé, la relie à des muscles forts, mais secs et maigres. Au contraire, dans nos animaux de boucherie les plus estimés, les os et les tendons ont été réduits au moindre développement possible, et les muscles sont très volumineux, mais abreuvés de sucs et entrelardés de graisse. Ici, comme dans nos fruits cultivés, comme dans nos racines potagères, les élémens organiques eux-mêmes ont été atteints. Ceux que l’homme recherche pour sa nourriture se sont multipliés, les autres se sont réduits, presque tous ont. été modifiés à des degrés divers, et dans les deux cas l’aliment qu’ils concourent à former est devenu plus abondant, plus délicat.

Les races de bœufs, de moutons, etc., formées par l’industrie humaine en vue de l’alimentation, ont encore une qualité qui rappelle ce que nous avons vu chez les végétaux ; elles grandissent et s’engraissent beaucoup plus vite queues autres. En d’autres termes, la rapidité du développement s’est accrue chez elles comme dans les races végétales précoces ; mais cette supériorité spéciale ne s’obtient qu’en perdant d’un côté ce que l’on gagne de l’autre. La plupart de ces animaux, transformés en machines à produire au plus bas prix possible de la chair et de la graisse, sont bien moins rustiques, bien moins robustes que les souches premières d’où ils sont sortis. À force d’exalter chez eux certaines fonctions, on en affaiblit d’autres ; la fécondité par exemple décroit rapidement, ou cesse même tout à