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Ce programme de la paix, comme on l’a nommé, rappelle, par cette expression même, d’autres promesses célèbres. Il faut espérer qu’il ne recevra pas des événemens un aussi cruel démenti. Ce programme de la paix peut devenir bien redoutable pour nos, finances, si la plus sévère économie ne ménage pas. les ressources nécessaires à tout ce que l’état se charge d’entreprendre, de payer ou de subventionner, si la paix n’est pas assurée, si des complications extérieures ou intérieures viennent nous surprendre dans l’accomplissement d’une transformation qui exige l’emploi de tous nos moyens et de toutes nos forces.

Il n’a été jusqu’ici question que de l’état. Qu’on pénètre dans nos provinces, qu’on soulève le voile qui recouvre les misères trop souvent cachées sous de brillantes apparences ; que trouvera-t-on ? Un mal qui n’est pas nouveau sans doute, mais qui s’est accru : la propriété foncière, accablée par les charges publiques, hypothéquée par les dettes privées pour plus de 1,2 milliards[1] ; les départemens, les villes, les communes rurales même, ardemment poussées dans la voie des dépenses improductives et des emprunts, et recevant, au lieu de conseils de prudence, des facilités plus grandes à s’endetter[2]. Les facilités de crédit, mises à la portée de tous, ont de grands avantages dans les temps prospères ; elles peuvent créer de grands périls dans les jours de crise. De nombreuses sociétés se sont fondées, et ont ajouté leurs puissans secours à l’abondance de numéraire produite.par les, découvertes de métaux précieux en Californie et en Australie. Tous ces établissement ont-ils observé les lois de la prudence et sont-ils restés fidèles à la pensée première qui les fit instituer ? Les fluctuations étranges de quelques-unes de leurs actions ont plus d’une fois excité des alarmes et donné aux esprits prévoyans la mesure des catastrophes qui pourraient résulter de complications graves dans les affaires ou dans la politique. Parmi ces établissemens, les uns n’ont pour gage que la solvabilité de leurs débiteurs et la prospérité des entreprises auxquelles ils ont lié leurs destinées ; les autres se sont trouvés insensiblement conduits à changer l’assiette de leurs hypothèques en même temps que la nature des services qu’on attendait d’eux. Le Crédit foncier par exemple

  1. Ce chiffre est très certainement au-dessous de la vérité. Dans son ouvrage sur le système financier de la France, M. le marquis d’Audiffret estimé, d’après un relevé fait en 1840, que la dette hypothécaire dépassait alors 11 milliards 500 millions, dont l’intérêt à 5 pour 100 s’élevait à 575 millions.
  2. Je trouve dans un ouvrage nouveau Statistique de la France, par M. Maurice Block) des détails fort complets et fort intéressâtes sûr ce sujet. L’augmentation annuelle des dépenses départementales y est estimée à 30 millions de l’exercice 1845 à l’exercice 1856) ; sur ces 30 millions, 13 millions s’appliqueraient aux dépenses extraordinaires. Pour l’année 1850, les impositions extraordinaires atteindraient 25 millions, c’est-à-dire le quart des recettes totales des département.