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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/752

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ducation et d’association intellectuelle qui leur est pourtant aussi nécessaire dans l’ordre moral que le sont la vapeur et l’électricité dans l’ordre matériel. C’est avec ces idées de bon sens pratique, avec ces inspirations de l’esprit moderne, que la question de la presse périodique devrait enfin être attaquée et résolue parmi nous ; mais ce n’était point le sujet que M. Troplong avait à traiter : il s’agissait de déterminer les rapports de publicité entre la presse et les chambres. — Dans quelles proportions les comptes-rendus devraient-ils être publiés par les journaux ? Les journaux pourraient-ils se mêler par leurs articles aux débats engagés devant les chambres ? — Nous ne sommes point mécontens des solutions données par M. Troplong à ces questions. Les journaux devront publier ou la séance ou la discussion entière d’une question telle qu’elle aura été reproduite par la sténographie du Moniteur. On évitera ainsi les comptes-rendus falsifiés par l’esprit de parti. En Angleterre, la liberté seule a suffi pour imposer aux journaux la reproduction complète des discussions parlementaires ; il est fâcheux qu’une prescription légale ait été nécessaire en France pour assurer ce résultat. Cette prescription entraînera, pour les journaux qui voudront publier les comptes-rendus, un surcroît de frais. Cette augmentation de dépenses est pour eux une question d’Intérêt commercial qui se trouve d’ailleurs largement compensée par le monopole dont la législation actuelle de la presse leur donne le profit commercial. Une question plus délicate était celle de savoir si les journaux pourraient publier des articles sur les séances des assemblées. Des articles sous forme de comptes-rendus ? Non. Nous ne regrettons point, pour notre compte, de n’avoir pas à rencontrer dans les journaux d’articles semblables. Ici encore nous n’exprimerons qu’un regret, c’est qu’il ait été nécessaire de prononcer une interdiction légale, et qu’on n’ait pas cru qu’en France, comme en Angleterre, le public suffirait pour dissuader les journaux de traiter les séances parlementaires comme des représentations théâtrales, et d’en tracer de légers, frivoles, fantasques récits, à la façon des feuilletons dramatiques ; mais entre ces comptes-rendus capricieux et stériles et la discussion des opinions soutenues par les députés ou les sénateurs, il y a loin. La distinction paraît avoir été saisie par un honorable sénateur, M. Bonjean, qui avait même proposé un amendement au sein de la commission pour l’établir dans la loi. L’amendement n’a point été admis par la commission, d’abord à cause de la difficulté que l’on éprouverait à définir la distinction existante entre un compte-rendu et une controverse d’opinion, ensuite parce qu’une telle définition aurait paru mieux placée dans une loi sur la presse. Quoique la question demeure indécise, nous oserons dire que le langage de M. Troplong ne nous décourage point. « Tout reste subordonné aux circonstances, » dit l’honorable rapporteur à propos du droit qu’auraient les journaux de discuter les opinions des orateurs dont ils auraient publié les discours. Il ajoute : « La raison et la bonne foi disent ce qui est permis beaucoup mieux que des définitions ordinairement périlleuses. « Il y a donc