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de M. de Cavour. On est donc fondé à croire qu’il n’y aura pas ce printemps de guerre en Italie. Garibaldi, que l’imagination des nouvellistes faisait sortir de Caprera, n’a point quitté sa retraite, et il est vraisemblable que, si la Hongrie ne lui offre pas la chance de diversion qu’il attendait d’elle contre l’Autriche, il saura s’accommoder d’une année de repos et attendra l’occasion au lieu de la brusquer. Du reste, si l’activité sérieuse de l’Italie a de quoi s’occuper dans l’organisation de l’administration, dans le rétablissement d’un gouvernement régulier à Naples et en Sicile, dans la préparation de son armée et de sa flotte, on doit convenir que la pâture ne manquera point cette année dans la péninsule à cette activité fiévreuse, à cette effervescence d’imagination et d’émotions qui sont propres aux partis révolutionnaires. La politique de M. de Cavour a dû tirer un grand profit de la retraite de notre escadre quittant les eaux de Gaëte. Cependant le jeune et infortuné roi de Naples, sans nourrir d’illusions, sans conserver d’espoir, mais détourné par le corps diplomatique de cesser sa passive résistance, reste à Gaëte et soutient un siège que les Piémontais conduisent avec moins de promptitude et de vigueur qu’ils ne l’avaient espéré d’abord. Tant que le roi tient à Gaëte, il est difficile au Piémont de dominer, d’étouffer les élémens de perturbation qui s’agitent dans le royaume de Naples. La résistance de Gaëte aura pourtant un terme, et probablement ce terme n’est plus éloigné. Une fois la résistance napolitaine vaincue, un autre objet se présente à la révolution italienne. Le pape est encore à Rome : il y est parce que nos troupes l’y gardent. Toute là question est de savoir si elles y resteront, et combien de temps encore elles occuperont la ville que le catholicisme considère comme sa métropole, et où l’Italie veut placer sa capitale. Nous ne voulons point risquer de prédictions à ce sujet, nous n’avons pas de goût non plus à rentrer dans les récriminations auxquelles peut fournir matière l’entreprise du Piémont sur les États-Romains ; mais, en songeant à Rome, nous ne pouvons plus nous empêcher de regarder la chute du pouvoir temporel comme un fait accompli. Qu’est-ce que la prolongation de cette agonie uniquement attachée à la présence ou au départ d’une troupe française ? La destinée s’accomplira. Appuyés au-principe de non-intervention, nous n’avons pas plus de raison de demeurer à Rome que nous n’en avions de stationner devant Gaëte. De même que nous avons quitté Gaëte, nous abandonnerons Rome. Nous serons conduits à cet acte par des raisons identiques : plaintes et instances des Italiens, plaintes et instances de l’Angleterre, épuisement des moyens d’existence du gouvernement pontifical. Cette perspective de Rome devrait donner aux Italiens la patience d’attendre une année encore l’entreprise contre Venise. Une année Naples, l’autre Rome, la suivante Venise, une capitale par an, n’est-ce point marcher assez vite ? Nous le répétons, c’est un fait accompli : on en a le sentiment même autour du pape. Nous le laissons passer sans plainte et sans joie, en partageant la stupeur avec laquelle le reste du monde le contemple, et