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a été appliqué en Angleterre pour compenser, dans l’intérêt des campagnes, la prépondérance du travail industriel : c’est le perfectionnement des procédés agricoles. Les chiffres fournis par les derniers recensemens indiquent qu’il y a là un intérêt de premier ordre, auquel on ne saurait trop tôt pourvoir, et il serait d’ailleurs injuste de méconnaître les efforts tentés par le gouvernement pour encourager la découverte et l’application des machines agricoles. Il faut dorénavant cultiver le sol avec moins de bras et obtenir, avec une main-d’œuvre chaque jour plus coûteuse, des produits qui ne coûtent pas plus cher. Tel est le double problème que le mouvement désormais bien décidé de la population nous oblige à résoudre, sous peine d’une crise plus ou moins prochaine.

Il est superflu d’insister sur les services que rendrait, pour l’étude de ces graves questions, une bonne statistique agricole. Combien il serait utile de suivre la période par période, les progrès généraux de la culture, de connaître l’emploi du sol dans les différentes régions, les frais de production ainsi que le rendement, l’effectif du bétail, le nombre des bras attachés au travail de la terre, l’adoption plus ou moins rapide, plus ou moins intelligente, des machines, des irrigations, du drainage ! Le gouvernement a essayé de se procurer tous ces renseignemens, et il a publié ce qu’il a recueilli. Sur beaucoup de points malheureusement, la statistique officielle a été prise en défaut, et elle a provoqué de vives critiques[1]. Il semble en effet que le système pratiqué par l’administration pour recueillir les renseignemens ne présente que de médiocres garanties ; l’organisation des commissions cantonales est loin d’être parfaite ; les déclarations n’étant pas toujours sincères, le contrôle étant le plus souvent impossible, on signale trop justement dans les chiffres des erreurs, des contradictions choquantes qui leur enlèvent tout crédit. Ce travail est, à vrai dire, des plus difficiles, et il faut au moins savoir gré à l’administration d’avoir entrepris une statistique devant laquelle ont reculé d’autres pays. On améliorera le système en le simplifiant, on perfectionnera les procédés, on parviendra peut-être à dissiper les préjugés et les craintes des agriculteurs, de manière à obtenir des déclarations plus exactes. Tout cela sera l’œuvre du temps et de la patience des statisticiens, qu’il vaut mieux ne point décourager par une critique trop acerbe, à la condition pourtant qu’ils demeureront modestes et ne se retrancheront pas derrière le rempart de l’infaillibilité officielle. Au surplus, malgré les erreurs inévitables qui se rencontrent dans les publications les plus récentes, on peut emprunter sans trop de défiance aux documens administratifs, contrôlés par des recherches individuelles, un certain nombre de faits qui

  1. Voyez les Statistiques agricoles de la France, par M. L. Villermé, Revue du 15 mars 1860.